Démocratisée, l'avenue Habib-Bourguiba en a vu, depuis le 14 janvier et même avant, de toutes les couleurs : des manifestations, aux revendications qui ne se sont pas arrêtées après le départ de l'ancien président, en passant par les grèves et autres rassemblements. Même les marchands ambulants l'on investie, pour exposer leurs produits dans une place qui leur a été longtemps interdite. Les chevaliers du 14 janvier, ceux qui se trouvaient sur «l'avenue» pour crier le fameux «Dégage», gardent en mémoire la grandeur des moments de cette journée. Il n'empêche que le souvenir est mêlé d'amertume, celle de n'avoir pas pu célébrer, sur place et ensemble, la nouvelle du départ de Ben Ali, les manifestants ayant été dispersés à coups de bombes lacrymogènes et de matraques, au bout de quelques heures. Après divers épisodes de remaniements et de démissions au sein du gouvernement de transition, qui n'a cessé de susciter les réactions, entre pour et contre, par des citoyens qui tiennent plus que jamais à exercer leur devoir de ne pas se taire, l'heure semble être maintenant à la célébration. C'est, en tout cas, ce que pense une bonne partie des deux millions de Tunisiens connectés régulièrement aux réseaux sociaux. Les mêmes qui ont relayé les informations et les vidéos de la révolution au monde entier, veulent enfin exprimer leur joie, sur l'artère principale de Tunis, témoin à sa façon des dernières heures qui ont précédé la chute de l'ancien régime. «Journée libre pour fêter la victoire du peuple tunisien», c'est ainsi qu'un événement facebook a été créé, lançant un appel à tous, citoyens mais aussi artistes de toutes les disciplines, à venir chanter, peindre où tout simplement manifester leur joie d'être enfin «libres», même si certains pensent que «rien n'est encore joué», comme le stipule le message posté par un internaute sur le mur de l'événement. A partir de 11h00 aujourd'hui, des jeunes et moins jeunes comptent raviver les couleurs de la liberté à l'avenue Habib-Bourguiba. Une joie bien méritée, mais c'est également, comme l'a décrit le créateur de l'événement, «une sorte de reconnaissance envers les Tunisiens de l'intérieur, de Sidi Bouzid, de Kasserine et de Thala, et un message contre le régionalisme». En célébrant leur révolution, les manifestants auront sans doute à l'esprit d'autres peuples qui marchent sur leurs pas.