Par Slaheddine GRICHI Comme le dit si bien Ahmed Ounaïes, notre ministre des Affaires étrangères, la phase destructive de la révolution tunisienne, propre à toutes les révolutions, n'a pas duré longtemps, puisque son aboutissement — le départ de Ben Ali, de ses proches et de sa cour — a suivi de peu (tout est relatif) son déclenchement, permettant au pays d'entrer tout de suite dans la phase constructive, et ce, malgré les troubles, organisés ou spontanés, arbitraires ou à dessein. Un gouvernement transitoire et d'union nationale s'est mis en place, des mesures d'urgence ont été prises et les rouages de l'Etat se sont remis à fonctionner, en dépit des «peaux de banane» et des autres obstacles, assez conséquents, il faut le reconnaître, dans le but avoué, naturel et indispensable, de relancer l'ensemble des secteurs, dont le plus important est l'économie, à travers laquelle l'égalité et la justice sociale, la démocratie et la liberté peuvent s'adosser à du solide que tout un chacun veut durable. En effet, sans une redynamisation de l'économique, le taux de chômage grimpera automatiquement et l'Etat ne sera plus capable, à court terme, d'octroyer des aides ni consentir des gestes de soutien. Cela dans le meilleur des cas. Dans le pire, et nous n'en sommes pas à l'abri, il pourrait même ne plus être en mesure de payer ses propres fonctionnaires. Nous préférons ne pas imaginer les conséquences d'une telle situation, mais nous pouvons nous interroger : «A quoi auront servi alors les sacrifices de Bouazizi et des centaines d'autres qui se sont fait la voix des innombrables jeunes qui aspiraient d'abord et avant tout au travail et à la dignité?» Or, l'Etat ne peut, ni ne pourra, être le seul pourvoyeur d'emplois. C'est au secteur privé qu'incombe également, et surtout, la tâche de résorber, ou, du moins, d'atténuer, le chômage. Comment pourrait-il le faire et contribuer efficacement à cette phase constructive quand des noms sont jetés, sans discernement, en pâture, quand il y a amalgame entre des groupes — ou des noms — solidement ancrés dans l'économie tunisienne et d'autres que seules la parenté avec la famille du régime déchu et l'aventure ont portés vers la fortune. Ces privés qui ont des dizaines, voire des centaines, de milliers d'emplois à leur charge, qui ont des difficultés énormes à rétablir des situations parfois plus que difficiles, n'ont pas besoin d'être en plus déstabilisés, touchés dans leur crédibilité et, par conséquent, placés en position de faiblesse face à leurs partenaires étrangers. La suspicion gratuite, l'insécurité et les accusations fortuites sont les pires ennemies de l'investissement, donc de l'emploi. Les commissions indépendantes sur les abus, les malversations et la corruption, soutenues par le pouvoir judiciaire et les institutions fiscales sont là pour le discernement et pour que la justice prévale. Laissons-les accomplir leur tâche et contribuons positivement à cette phase constructive de notre révolution.