Par Brahim OUESLATI * La démission de Mohamed Ghannouchi, suivie de celles de cinq ministres dont deux chefs de partis politiques et deux anciens du régime déchu et son remplacement par un ancien bourguibien, Béji Caïed Essebsi, en l'occurrence ne semble pas atténuer la colère de certaines parties qui continuent à appeler à la démission du gouvernement actuel et son remplacement par "un gouvernement provisoire de gestion des affaires courantes". C'est que la transition démocratique, voulue, tant attendue et souhaitée par le peuple tunisien, tarde à s'ébaucher. Chaque partie y va de ses propres convictions voire desiderata, et le consensus n'est pas encore pour demain. Il faut reconnaître qu'il n'y a pas de recette magique, mais que l'on doit, plutôt, œuvrer, ensemble, pour gérer de manière satisfaisante et habile un ensemble de problèmes théoriques et pratiques inhérents à la réalité de notre pays. Réunir tous"les ingrédients démocratiques" pour assurer la meilleure transition possible est le souhait de tous les Tunisiens, toutes tendances confondues. Il est évident que l'enchaînement des événements, au cours de ces derniers jours, avec un paysage politique qui tente de se composer, n'incitent pas à un optimisme béat. Car la logique même qui favorise la composition dudit paysage s'inverse, du jour au lendemain, pour hâter sa décomposition et son émiettement. La crainte de l'usurpation, voire la récupération et l'instrumentalisation de la révolution par certaines parties qui tentent de l'engager dans une involution proprement réactionnaire, est présente dans l'esprit de beaucoup de gens. Et l'on est en droit de se demander si nous autres Tunisiens, nous ne partageons pas certaines valeurs et traditions qui nous permettent de surmonter nos divergences et faire aboutir cette révolution, sur la base de constantes qui sont la fidélité à la patrie et à ses martyrs, le rejet de la violence, de la terreur intellectuelle et de toute forme d'inquisition. Il va sans dire que la transition démocratique ne peut pas se réaliser dans une atmosphère de suspiscion, ni dans une situation d'insécurité. L'absence de l'Etat est à craindre beaucoup plus que l'Etat surtout lorsqu'on n'a plus les moyens de contrôler la violence, les débordements et les dépassements. La sécurité n'est plus, totalement, assurée et la confiance dans les appareils de l'Etat ne sera pas rétablie de sitôt. Mais l'exacerbation des passions et des désirs, ravivés par une certaine presse déchaînée, conjugués à une forme de frustration, a fait que l'on a assisté , ces derniers temps, à des actes de vadalisme, de pillage, voire de terreur. La crainte de l'anarchie est bien réelle. Nonobstant ces inquiétudes, certains éléments peuvent constituer des facteurs d'optimisme. La formation d'un nouveau gouvernement de transition, ou de gestion des affaires courantes comme le veulent certains, le troisième en quelques semaines, espérant qu'il sera le dernier en son genre, qui semble se dessiner, autour du nouveau Premier ministre Béji Caïed Essebsi, devrait calmer les esprits. Pour ce faire, il doit faire l'objet d'un consensus national et bénéficier de l'appui de toutes les parties concernées, à savoir les formations politiques et syndicales ainsi que les organisations de la société civile. La majorité silencieuse qui commence à donner de la voix avec comme appel pressant de se remettre au travail pourrait soutenir cet élan. La transition démocratique qui devra entraîner l'abandon des anciennes règles du jeu politique fera, certainement, apparaître de nouveaux acteurs politiques et de nouvelles configurations stratégiques. Elle ne pourra être complète que "lorsqu'un gouvernement arrive au pouvoir comme le résultat direct du suffrage libre et populaire". C'est le vœu de tous les Tunisiens. * Journaliste