Les membres du Conseil de l'Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique ont poursuivi, hier après-midi, leurs discussions sur le décret-loi relatif à l'élection de l'Assemblée nationale constituante, sous la présidence de Mme Latifa Lakhdhar, vice-présidente de l'Instance. Certains articles ont été particulièrement critiqués par les intervenants, à l'instar des deux chapitres se rapportant aux conditions de candidature et aux sanctions. Une unanimité s'est dégagée autour de l'inéligibilité de tous ceux ayant assumé des postes de responsabilité au sein du Rassemblement constitutionnel démocratique, durant les dix dernières années, ainsi que de toutes les personnes ayant soutenu la candidature du président déchu à la présidentielle de 2014. Discutant du chapitre relatif aux délits et crimes électoraux, les membres de l'Instance ont insisté sur la nécessité d'aggraver les sanctions, notamment en ce qui concerne les délits de falsification des élections. En contrepartie, les avis ont divergé concernant le principe d'égalité entre l'homme et la femme ; certains intervenants ayant souligné l'impératif de veiller à l'application de la représentation de la femme et à la suppression de l'alinéa de l'article objet de discussion, qui prévoit qu'«à défaut, la liste doit contenir au moins une candidate», alors que d'autres ont jugé cet alinéa comme étant un moyen d'exclusion des compétences masculines, notamment dans le cas où les compétences féminines feraient défaut dans certaines régions. Les vues ont, également, divergé sur l'âge d'éligibilité à l'Assemblée. Certains intervenants ont jugé la condition d'âge, fixée à 23 ans, «raisonnable», étant donné que le jeune candidat est supposé avoir obtenu son baccalauréat et son diplôme universitaire, et acquis un capital cognitif et culturel à même de l'habiliter à contribuer de manière active aux travaux de l'Assemblée nationale constituante. D'autres ont considéré cette condition comme étant une «injustice manifeste» à l'égard de la jeunesse tunisienne, qui était à l'origine de la révolution de la dignité, et ont appelé à abaisser à 20 ans l'âge d'éligibilité de l'Assemblée. S'agissant du financement, les intervenants ont appelé à ne pas se limiter au financement public et à autoriser le financement par les partisans des partis, avec l'impératif de soumettre ces modes de financement au contrôle juridique. Appel au régime de scrutin mixte Concernant le mode de scrutin, les membres de l'Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, ont revendiqué l'adoption du régime de scrutin mixte, qui combine le scrutin uninominal majoritaire et la proportionnelle. Afin d'élucider cette question, les membres de l'Instance supérieure ont demandé conseil auprès de M. Chafik Sarsar qui a relevé l'impossibilité pratique du recours à une tel mode de scrutin, à l'heure actuelle, se prévalant d'un bulletin de vote, utilisé en Allemagne, qui adopte ce mode de scrutin depuis les années 50. L'expert a relevé l'impossibilité d'appliquer ce mode de scrutin mixte, au vu de sa complexité, soulignant que la profusion des partis politiques sur la scène nationale, en cette période (plus de cinquante partis), ne fera qu'entraver le processus électoral et multiplier les bulletins nuls. Pour ce qui est de la représentativité des régions, M. Sarsar a précisé qu'à la lumière des observations avancées par certains membres, des amendements ont été introduits sur le texte du décret-loi, dans l'objectif d'assurer une meilleure représentativité de certains gouvernorats sous-peuplés et d'appliquer la règle d'«un député pour chaque 60 mille habitants», tout en tolérant des exceptions pour renforcer la représentativité de ces régions. Le débat s'est accentué suite à la distribution par les experts d'un nouveau projet de décret-loi, dont le texte a repris certaines observations formulées lors de séances précédentes et a été enrichi de nouveaux articles relatifs au mode de couverture médiatique de la campagne électorale. Les membres de l'Instance ont exprimé le besoin de bénéficier de tout le temps nécessaire pour étudier de manière minutieuse les différents amendements introduits. La séance a été ensuite levée. Les discussions devraient reprendre aujourd'hui, à la lumière du nouveau projet.