L'émigration clandestine se trouve aujourd'hui au cœur d'un «débat» brûlant entre l'Italie et la Tunisie. Le gouvernement italien s'est engagé à régler la situation des 20.000 Tunisiens qui ont émigré vers Lampedusa depuis le 14 janvier. Tunis et Rome ont convenu de mettre en place une commission technique pour assurer le suivi du dossier des flux clandestins migratoires. Cela pour le présent, mais l'histoire nous apprend qu'il y a plus de soixante ans, ce sont les Italiens qui migraient clandestinement vers la Tunisie pour chercher du travail sur la terre de Didon. Le 27 avril 1953, le journal en langue française Aujourd'hui, relate l'aventure d'un groupe de clandestins italiens dont la barque a échoué sur les côtes du Cap Bon. Les gardiens de phare voient souvent ces petites barques transportant des clandestins italiens arriver sur les côtes, la nuit tombée. Les candidats au voyage sont "pris en charge" à Mazzara Del Vallo par des "agences" de voyages (ancêtres des passeurs) qui fournissent embarcation et... conseils contre de l'argent. Pour partir de Sicile, ils attendent le vent favorable et embarquent à quatre ou à cinq, avec un maigre bagage à bord : trente litres d'eau et des provisions pour tenir deux jours. Arrivés au Cap Bon, ils sont hébergés dans une ferme, appelée la "ferme sicilienne", où ils restaient cachés pendant deux jours, le temps qu'on leur prépare un faux passeport avec lequel ils peuvent circuler dans le pays. Leur place les attend déjà: ils prennent la direction des exploitations minières du Sud-Ouest où ils touchent un très faible salaire. Au cours de cette période, les Italiens de Sicile vont constituer la majorité de la main-d'œuvre minière et agricole. Soixante ans après, le mouvement migratoire s'inversait !