Près de 120 demandes de publication de journaux et de périodiques ont été déposées au cours de ces trois derniers mois auprès des services compétents du ministère de l'Intérieur. 51 d'entre elles ont obtenu le récépissé alors que 41 autres ont été rejetées pour vice de forme et 26 sont en cours d'examen. A cela s'ajoutent 71 demandes de licence de création de radios et 25 concernant les télévisions. Cette ruée vers les médias s'explique notamment par l'ouverture de l'espace des libertés et le souci des postulants de participer à la transition en cours. Ce qui permettra d'enrichir le paysage médiatique, chose qui s'inscrit dans le droit fil du processus enclenché depuis le 14 janvier, et de favoriser la liberté d'expression et le pluralisme d'opinions qui ont beaucoup progressé depuis la chute de l'ancien régime. Les médias classiques, faut-il le souligner, n'ont, pratiquement, joué aucun rôle au cours des journées de la révolution, dépassés qu'ils étaient par de nouveaux acteurs qui, à l'heure d'Internet, avaient réussi à exploiter les réseaux sociaux pour diffuser au monde entier des informations sur le cours des événements, déjouant le blocus autour de l'information. Ce foisonnement de titres doit, en principe, contribuer à l'enracinement de ce nouvel état d'esprit démocratique qui anime les Tunisiens et participer à la propagation de la culture pluraliste. L'ensemble de la diffusion nationale, écrite et audiovisuelle, fait, régulièrement, place aux débats politiques et d'idées autour des thèmes ayant trait à la transition démocratique. Avec une liberté d'expression, jamais connue, parfois même à la limite de la déontologie. Certains débats animés et houleux auxquels les téléspectateurs médusés ont assisté ne servent pas les causes de la révolution mais ajoutent plutôt à la confusion. D'aucuns affirment que l'effervescence médiatique, difficilement contrôlable, est le corollaire de toute révolution. Compte tenu de cette effervescence, quelques médias n'ont pas hésité à verser dans le sensationnel en puisant leurs informations auprès de sources peu fiables, comme les réseaux sociaux qui colportent des rumeurs infondées de nature même à perturber l'ordre public. La crédibilité et l'objectivité de l'information exigent le strict respect des principes déontologiques qui régissent la profession. Le journaliste doit se prémunir contre le parti pris et la manipulation qui pourraient facilement conduire à la désinformation et nuire à la réputation des médias. Certains médias vont parfois trop loin, en touchant à la vie privée des gens et en étayant des analyses et des allégations infondées. Ces dérapages sont d'autant plus déplorables et dangereux qu'ils contribuent à créer un sentiment de peur et à semer la zizanie et susciter la rancœur. C'est pourquoi l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication, qui vient d'être créée, est appelée à réfléchir sur la mise en place d'un système de régulation pour garantir la libre expression, le pluralisme d'opinons et assurer la bonne marche du secteur de l'information et le bon usage des médias, tous supports confondus, dans le respect de la déontologie.