La conférence de presse tenue, hier, par Me Abderrazak Kilani, bâtonnier du Conseil de l'Ordre des avocats, a été consacrée essentiellement à la dissipation de la controverse suscitée par le projet du décret-loi proposé par le Conseil de l'Ordre en vue de l'organisation de la profession d'avocat, une loi que les avocats attendent depuis 1989, époque au cours de laquelle leur nombre était de 1.200, alors qu'ils atteignent aujourd'hui les 8.000 avocats. «Le tollé général provoqué par les notaires, les conseillers fiscaux, les magistrats, etc., est incompréhensible et inacceptable. Il s'agit plutôt d'une campagne orchestrée par certaines parties dont nous connaissons les noms que nous avons soumis aux autorités compétentes», a notamment précisé Me Kilani. Et le bâtonnier de souligner que malgré «toutes les déclarations injustes à notre égard et en dépit des marches et des sit-in dénonçant les avocats et les accusant d'opportunistes qui cherchent à faire valoir leurs propres intérêts aux dépens de ceux du peuple, les avocats ont décidé de ne pas répondre à la surenchère et d'opter pour le dialogue». L'avocatie, rempart contre l'injustice Revenant aux conditions dans lesquelles a été élaboré le projet du nouveau décret-loi organisant la profession d'avocat, le bâtonnier a précisé, notamment, qu'eu égard au rythme effréné des mutations nationales et internationales aux plans politique, économique et social, à l'importance du rôle qu'assume la profession dans l'instauration de la justice, l'indépendance de la magistrature et la préservation des libertés collectives et individuelles, il est devenu, plus que jamais, urgent de réviser d'une manière globale et approfondie la loi du 7 septembre 1989 dont les dispositions ne répondent plus aux exigences de la profession. Aussi, le projet du décret-loi soumis à l'approbation du gouvernement provisoire — qui n'a pas été élaboré à la faveur de la révolution mais dont la mise en œuvre a commencé le 30 juin 2010 sous la supervision du conseil scientifique du Conseil de l'Ordre — a-t-il pour objectif de consacrer le rôle de l'avocat en tant que partenaire à part entière dans l'institution de la justice et la défense des libertés et des droits de l'Homme et de faire bénéficier l'avocat de l'immunité dans son acception juridique à l'occasion de l'exercice de sa profession ou à l'échelle sociale. Me Kilani a précisé que «contrairement à ceux qui nous qualifient de revendicateurs cherchant à réaliser leurs objectifs à tout prix sans prendre en considération ni la situation actuelle du pays ni l'intérêt supérieur national, nous considérons que la réforme de la profession d'avocat s'inscrit dans l'intérêt et du citoyen et du pays. Plus encore, nous sommes convaincus que la préservation du droit de l'immunité juridique des avocats constitue une garantie essentielle pour que le justiciable puisse bénéficier de ses droits de défense». Les nouvelles prérogatives offertes par le nouveau texte organisant la profession d'avocat viennent-elles menacer ou remettre en cause les compétences d'autres professions comme le prétendent les notaires, les experts-comptables, les conseillers juridiques ? Le bâtonnier estime que la polémique n'a pas à avoir lieu «dans la mesure où chaque profession dispose de son champ d'action et que les avocats n'ont nullement l'intention de confisquer les attributions des notaires ou des conseillers fiscaux ou de leur voler leurs spécialisations». M. Kilani précise, d'autre part, que chaque profession a le droit de se réorganiser sans empiéter sur les autres professions. «Les avocats expriment leur surprise des positions prises par les magistrats que nous avons soutenus pleinement dans les moments les plus difficiles par lesquels leur association est passée sous le régime déchu», ajoute encore Me Kilani. La profession a besoin d'assainissement Répondant aux interrogations des journalistes, le bâtonnier a relevé que le Conseil ne cherche pas à exploiter la situation difficile que vit le gouvernement actuellement pour faire passer le projet du décret-loi. «Nous sommes convaincus que le gouvernement provisoire dispose des compétences nécessaires pour prendre les décisions les plus idoines comme il l'a fait pour l'amnistie générale, à titre d'exemple». Les nouveautés que comporte le nouveau texte, à l'instar de l'immunité de l'avocat de l'exercice de sa profession, les nouvelles attributions, etc., ne sont nullement en contradiction avec l'esprit de la révolution ou la philosophie générale de la profession qui souffre toujours «d'avocats qui ont dévié du bon chemin et qui se sont compromis avec l'ancien régime.Nous considérons, reconnaît le bâtonnier du Conseil de l'Ordre des avocats, que la profession a encore besoin d'être assainie des éléments qui ont terni son image et qui doivent payer pour les erreurs qu'ils ont commises». Il est à préciser que l'Ordre national des avocats organise, samedi prochain, à Tunis, un séminaire sur le thème «La récupération des avoirs pillés et déplacés à l'étranger». Par ailleurs, les avocats tunisiens seront honorés le 26 mai prochain par leurs confrères français, à Grenoble.