• Les actes de la journée d'étude organisée à Beït Al Hikma, à Carthage, à l'occasion de la commémoration du 102e anniversaire de la naissance du grand poète et patriote algérien, le Mozabite de Ghardaïa, Moufdi Zacharia, viennent de faire l'objet de l'édition spéciale d'un livre publié par les soins de l'académie L'intérêt que suscite en Tunisie l'œuvre de Moufdi Zacharia (1908-1977) tient en fait, en premier, à la valeur de ses écrits, ensuite et surtout à son engagement politique en tant que militant actif pour l'indépendance de l'Algérie et, par voie de conséquence, au fait qu'il était un partisan convaincu et avant-gardiste d'un Maghreb arabe fort et uni. Telles étaient les multiples facettes de l'homme à la stature exceptionnelle soulignées par les différents intervenants qui ont tenté de réunir par leurs propos la somme synthétique que réclame un sujet si vaste et si stimulant. Au demeurant, cette journée d'étude n'avait point la prétention d'épuiser le sujet abordé, tant les activités du poète nationaliste étaient nombreuses, mais simplement de présenter, dans les grands traits, la personnalité du poète qui a dignement épousé les espoirs, les passions et le combat d'une Algérie profondément humiliée par le colonialisme français. Non qu'il ait limité son champ d'action à la seule Algérie puisqu'il eut également plusieurs attaches avec la Tunisie, un pays qu'il a fait sien et où il a si longtemps vécu et tissé de nombreuses amitiés. C'est bien en Tunisie qu'il a reçu son éducation, à la Khaldounia, et sa prime formation politique dans le sillage du vieux Destour. Exilé volontaire de sa patrie aux heures d'une indépendance dont la trajectoire politique ne correspondait plus à ses espérances, il s'éteint des suites d'une crise cardiaque le 17 août 1977 dans cette bonne ville de Tunis qu'il a si tendrement aimée. Plusieurs traits peuvent être dégagés de cette haute personnalité, d'abord le quotidien qui a conduit le poète à travailler pour vivre. Il a investi de nombreuses sphères d'activité, de la création littéraire au journalisme et à la radio, du management de cinéma au théâtre, du commerce de parfums au négoce de tissus. Bouillonnant d'énergie, Moufdi Zacharia, de son vrai nom Zekri Cheikh, avait un côté brasseur d'affaires avec ses heures fastes et aussi avec celles du destin. Au cours de son engagement dans la lutte de libération nationale, il a connu l'emprisonnement dans les geôles coloniales à cinq reprises. Parmi les actes qui ont émaillé cette journée d'étude de détails fort instructifs, il y a lieu de citer les interventions de MM.Hédi Baccouche, ancien Premier ministre, Lakhdhar Ibrahimi, ministre algérien de la Culture, Salah El Mahdi, musicologue fort connu, ainsi que celle du Dr Slimane Cheikh, fils du défunt. Ce dernier a tenu à exprimer ses sentiments de gratitude et de profond respect pour la Tunisie et ses grands hommes : Mahmoud Bourguiba, Jaleleddine Naccache, Abou-l-Kacem Chebbi, Abdelaziz Thaâlbi. Avec beaucoup de reconnaissance et d'émotion, il a évoqué les relations très étroites nouées par son père avec les noms les plus illustres du monde des arts, du théâtre et de la chanson, notamment Hédi Jouini, Bayrem Tounsi, Ali Riahi, Fathia Khaïri, Fadhila Khetmi, Hassiba Rochdi, Kaddour Srarfi et Mohamed Triki. Il a ajouté que son père était considéré comme étant le poète de langue arabe de la révolution algérienne, l'auteur de l'hymne national de l'Algérie indépendante «Qasa man», de «L'Illiade algérienne et de «A l'ombre de l'olivier», en hommage à la Tunisie. Avec une certaine amertume, il a déclaré que son père a vécu pour un idéal qu'il n'a pas eu le bonheur de le voir aboutir, à savoir la réalisation d'un Maghreb arabe fort, uni et sans frontières. Cet ouvrage permettra assurément au public de mieux connaître la personnalité de Moufdi Zacharia, l'homme qui a marqué son temps comme acteur important de la scène politique, culturelle et sociale, et qui a activement contribué à l'édification de l'histoire du nationalisme algérien. ——————————— * «Moufdi Zacharia, poète de l'unité du Grand Maghreb», actes du colloque du 13 janvier 2010, Beït al-Hikma. Avril 2011