Près de 20 mille demandes de réorientations universitaires enregistrées par Internet Le 15 août, dernier délai d'envoi des demandes de réorientation universitaire. A cette date, 19.442 demandes ont été enregistrées à travers le site web du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. D'autres demandes, devant arriver par voie postale, sont attendues au ministère. Ces requêtes sont autant de nouveaux bacheliers désabusés surtout par le «choix» qui leur est attribué et autant de familles inquiètes quant au sort de leur progéniture, à moins d'un mois de la rentrée universitaire pour certaines filières. Du côté du ministère, on assure que l'opération d'orientation universitaire n'a jamais été aussi transparente, juste et impartiale et que le principe du mérite de l'élève a primé au niveau de la sélection. Il faut admettre qu'au moins le quart des nouveaux bacheliers ne sont pas satisfaits de leur orientation universitaire. Le chiffre n'est pas négligeable. L'examen des demandes de réorientation déjà reçues révèle trois catégories de requêtes. La première, qui compte le plus grand nombre de demandes, concerne le changement de filière. La deuxième invoque des conditions sociales difficiles, environ 800 demandes au 16 août, et la troisième des raisons médicales particulières, 564 à la même date. Ces chiffres devraient être revus à la hausse au fur et à mesure que les demandes par voie postale parviennent. Double pénalité La gestion des dossiers sociaux et médicaux ont nécessité la création de deux commissions spécialisées, composées respectivement de spécialistes en sociologie et d'assistantes sociales pour l'une, et de médecins pour l'autre. Dans les deux commissions siègent également des représentants du comité de contrôle général du service public sous tutelle du Premier ministère. L'étude des dossiers et la vérification des informations qu'ils contiennent sont réalisées avec l'étroite collaboration des ministères des Affaires sociales et de la Santé publique, qui disposent des bases de données et des mécanismes de contrôle nécessaires et adéquats. «La décision est collégiale sous la supervision du Premier ministère afin de garantir la rigueur, la transparence et la crédibilité», souligne M. Mahmoud Ben Hafs, directeur général des affaires estudiantines. Généralement, quand les données sont exactes, la requête est acceptée. Pour les demandes de changement de filière, le traitement du dossier est différent, il tient compte de deux critères. Le premier est le score du demandeur. Celui-ci doit être supérieur au score du dernier affecté dans la même filière et pour le même type de bac, lequel score est disponible et vérifiable sur le site du ministère www. orientation.tn. Deuxième critère : la capacité d'accueil de la filière. Quand des places sont encore disponibles, le score ne fait plus obstacle au changement. Mais pour ce type de demandeurs, il n'est pas toujours facile de répondre positivement aux requêtes, "car ce sont généralement des élèves moyens qui font face à une grande concurrence", indique M.Ben Hafs. "Ces bacheliers sont doublement pénalisés, en subissant d'une part la concurrence des élèves brillants qui raflent les meilleures filières et, les établissements les plus intéressants, et d'autre part, la concurrence engendrée par le déséquilibre qui existe entre l'offre des places et la demande», ajoute-t-il. A titre d'exemple, dans le Grand-Tunis, on compte pas moins de 20.000 nouveaux bacheliers qui préfèrent tous, ou presque, rester dans la capitale. Or cette région ne peut offrir que 24.000 places, mais pour tous les nouveaux bacheliers, soit plus de 78.000. Et, bien sûr, ce sont les plus forts scores qui sont orientés vers le Grand-Tunis, explique le responsable. Celui-ci admet en définitive que" l'ordre de mérite demeure la règle d'or de cette opération de sélection", mais que le droit de tout nouveau bachelier à une place dans les institutions universitaires tunisiennes est préservé en toute circonstance. Zéro intervention S'il est difficile de satisfaire tout le monde, les responsables du ministère, en l'occurrence M. Zouhaïr Laabidi, directeur responsable de l'orientation, et son équipe d'ingénieurs informaticiens—toute l'opération est traitée par le biais de l'outil informatique —se sont engagés à mener jusqu'au bout l'opération d'orientation universitaire en ne faisant valoir que le principe du mérite de l'élève dans l'attribution du choix. Autrement dit, appliquer pour la première fois de l'histoire de la direction le principe «zéro intervention», ou encore zéro passe-droit. La Tunisie de l'après-14 Janvier change de discours. Cela sera-t-il suffisant pour changer les mentalités ? Pas si sûr. Les demandes d'intervention, il y en a encore. Et sans doute y en aura-t-il encore toujours, car l'orientation universitaire telle qu'elle est appliquée depuis des années n'est pas parfaite. Outre les nombreux cas de désillusion qu'elle a engendrés chez beaucoup de jeunes bacheliers, qui ont débouché sur une succession d'années blanches ou carrément l'abandon des études, l'orientation n'a pas contribué non plus à résoudre le problème de l'employabilité des jeunes diplômés du supérieur. Une réforme profonde de l'orientation universitaire est indispensable, tout comme la re-conception de la vie estudiantine dans son ensemble, et particulièrement dans les régions intérieures où les nouvelles institutions universitaires n'ont pas réussi à créer l'environnement favorable recherché par l'étudiant, surtout celui qui vit dans la capitale et les autres grandes villes du Sahel.