• L'ouverture des dossiers de la corruption des magistrats demeure une compétence exclusive du gouvernement Réunis, hier, autour de la présidente de leur syndicat, Mme Raoudha Laâbidi, les membres du bureau exécutif du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) ont martelé, au cours d'une conférence de presse, une idée principale et une position irréversible : un non catégorique aux jugements collectifs et un rejet sans équivoque des listes, quelles que soient les parties qui sont chargées de les établir. «Cette position a été transmise au Premier ministre qui nous a reçus lundi dernier pour écouter nos aspirations et nos préoccupations», n'a pas manqué de préciser Mme Laâbidi. Les préoccupations des magistrats ainsi que leurs revendications consistent principalement en la critique «du mode de traitement par le ministère de la Justice du dossier judiciaire et de son laxisme à protéger les magistrats lors de l'accomplissement de leur mission». Les membres du syndicat des magistrats expriment également leur rejet des mutations et promotions opérées au sein du corps judiciaire et qui n'ont pas répondu aux attentes des magistrats et n'ont pas tenu compte des normes objectives convenues avec le syndicat. Mme Raoudha Laâbidi a insisté sur «le précédent grave que va constituer l'élaboration par les magistrats (l'Association a déjà annoncé son intention d'établir une liste des juges corrompus) d'une liste qu'ils considèrent comme étant impliqués dans les affaires de corruption et de malversation qui ont marqué le monde judiciaire durant les 23 ans du régime déchu». Elle considère, en effet, que «ceux qui se sont autoproclamés rédacteurs des listes de la honte et de la malversation n'ont aucune légitimité pour accomplir une telle mission qui ne peut figurer, en aucune manière, parmi les compétences ou les prérogatives d'une association ou d'un syndicat». Pour les membres du SMT, il est un fait suscitant une unanimité remarquable‑: l'examen réel et sérieux du dossier de la malversation et de la corruption dans le secteur judiciaire (avec toutes ses composantes, soulignent-ils) doit provenir d'une volonté politique déterminée exprimée clairement par le gouvernement provisoire. Il n'existe aucune autre partie habilitée à traiter le dossier. La raison est on ne peut plus simple : c'est le gouvernement qui dispose des mécanismes qui lui permettent d'ouvrir réellement le dossier, de démasquer les coupables par des preuves irréfutables et de rétablir les vérités qui sont en train de se diluer dans ce tumulte de rumeurs, de surenchères et de contre-vérités (liste fabriquée des juges considérée comme corrompus circulant sur la Toile). «Ces mécanismes s'appellent le tribunal immobilier, le ministère des Finances et la Chambre des sanctions financières qui renferment les dossiers et les secrets relatifs aux milieux d'affaires traités annuellement par les tribunaux tunisiens. L'ouverture du dossier de la malversation demeure une compétence exclusive du gouvernement», souligne Mme Laâbidi. 60 plaintes contre les sites internet M. Issam Lahmar, secrétaire général du syndicat, a déploré la campagne de dénigrement menée contre les magistrats, surtout après la publication sur Internet de la «liste truquée des magistrats considérés comme corrompus et dont les noms ont été extraits, à leur insu, de la liste des magistrats qui ont appelé dans une pétition signée en 2005 à un congrès extraordinaire de l'Association des magistrats tunisiens après avoir constaté que le bureau exécutif à l'époque a dévié de sa mission». Les résultats de cette campagne ne se sont pas fait attendre puisque les actions de pression et d'agression des magistrats augmentent de jour en jour. «A Sfax, deux prévenus ont été libérés suite aux menaces adressées au juge d'instruction qui a décidé leur arrestation. A Sidi Bouzid, un juge violenté par un avocat a décidé également d'ordonner la mise en liberté d'un prévenu. Enfin, le substitut du procureur‑de la République à Grombalia a été agressé dans l'enceinte du Tribunal de première instance. Deux instructions ont été ouvertes à Grombalia et à Sidi Bouzid et 60 plaintes ont été déposées contre les sites internet par les magistrats qui estiment leurs droits lésés et leur respectabilité atteinte», a-t-il précisé. Quant à M. Boubaker Souguir, vice-président du Syndicat des magistrats, il a tenu à rétablir une vérité que certains cherchent à ignorer : «Le SMT a milité depuis sa création pour l'ouverture du dossier de la corruption dans le secteur judiciaire. Par ailleurs, il n'est pa disposé, quelles que soient les pressions ou les interventions, à défendre un juge dont la corruption a été prouvée. Nous sommes en train de préparer, au niveau du syndicat, l'organisation d'une table ronde qui regroupera toutes les parties prenantes et qui permettra d'examiner le dossier sous toutes ses dimensions. Le syndicat s'attelle actuellement à la mise en œuvre d'un code de conduite régissant l'exercice du métier de magistrat. Il sera soumis à la discussion de toutes les parties impliquées dans le domaine judiciaire».