Par M'hamed JAIBI Un débat byzantin est en train de prendre le dessus dans notre pays ces derniers jours, en rapport avec l'appel à l'organisation d'un référendum en parallèle aux élections, le 23 octobre, que lancent certains partis. Quels que soient notre vision de l'avenir du pays, notre ancrage idéologique et notre positionnement politique, nous devrons avoir le courage de nous mettre d'accord sur les règles de droit constitutionnel et la signification des concepts. Il est donc utile de rappeler l'importance du rôle essentiel que jouent les rendez-vous électoraux dans la concrétisation de la souveraineté populaire en démocratie républicaine. Mais il est utile de noter que la démocratie représentative comporte des imperfections et des limites désormais identifiées et reconnues par tous les théoriciens et toutes les écoles de philosophie politique. L'émergence de la société civile multipolaire et son rôle de veille dans la correction de la démocratie représentative sont aujourd'hui une composante essentielle du devenir démocratique des nations du monde entier, et les débats théoriques sur les limites de la démocratie représentative n'y sont pas étrangers. Certes, historiquement et théoriquement, seuls les élus du peuple sont à même de parler en son nom et de matérialiser sa souveraineté, mais en aucune manière il ne s'agit d'élever l'autorité de l'Assemblée représentative au-dessus de la volonté explicite des électeurs sur n'importe quelle question qui leur serait directement soumise par référendum. Au contraire, le référendum représente le moyen le plus fidèle et le plus direct de connaître l'opinion du peuple, c'est-à-dire de la majorité des électeurs, sur toute question. Car il s'agit là du seul outil de consultation populaire qui sache matérialiser cette démocratie directe que les plus radicaux appellent de leurs vœux, a contrario de la démocratie représentative ou indirecte qui, à leurs yeux, obéit vite et souvent à une logique de castes partisanes et érige les députés et la classe politique en «nomenklatura» défendant ses intérêts propres. Ceux d'une sorte de classe sociale à part née de la bureaucratisation rapide du mandat octroyé par voie électorale. En fait, la démocratie idéale aurait été celle permettant au peuple, en permanence et à tout moment, d'exprimer ses choix sur toutes les décisions (politiques, sociales, économiques, culturelles…) que doit mettre en œuvre l'autorité publique (l'Etat). Cela exigerait de réunir une assemblée générale groupant dans un amphithéâtre gigantesque toute la population d'un pays. Ou alors d'organiser un référendum populaire démocratique et transparent plusieurs fois par semaine. Toutes hypothèses que les peuples et les révolutions ont expérimentées au travers des siècles et qui se sont avérées utopiques. Voilà pourquoi c'est la démocratie représentative qui gouverne le monde, mettant à l'œuvre des partis politiques, des organisations socioprofessionnelles et des réseaux associatifs qui s'activent à identifier et à tirer au clair la véritable volonté populaire. Grâce aussi à des mécanismes d'arbitrage et de contre-pouvoir. Alors, quelles que soient les raisons pour lesquelles les uns et les autres parmi nos pléthoriques partis politiques actuels approuvent ou désapprouvent le recours au référendum populaire pour délimiter la durée de l'Assemblée nationale constituante, ses options fondamentales et ses hypothèses de travail pour la rédaction de la nouvelle Constitution, il serait plus digne qu'elles soient formulées clairement, sans mettre nullement en cause le caractère sacré de la consultation populaire référendaire qui est le summum de la démocratie la plus pure. Car la plus fidèle au sentiment réel des électeurs.