Le coup d'envoi de la sixième édition de Mûsîquât a été donné vendredi dernier au palais d'Ennejma Ezzahra, avec la troupe "Al Manga" d'al "issawiya" de Sidi Bou Saïd. En présence d'un public jeune et nombreux, venu pour découvrir les talents de la troupe et les spécificités du chant liturgique du mjarred, le groupe, composé d'une quinzaine de choristes, a enchanté pendant plus d'une heure en interprétant des chants puisés dans le répertoire tunisien des "hadhra" (suites soufies). Avec Cheïkh Abdelhamid Abbès, Mouhammed Ali Ben Cheikh, Mohamed Farouk Chlagou, Jamel Mlayah et d'autres encore, l'assistance a voyagé dans un monde mystique, en écoutant l'air Ya habib galbi (mon bien-aimé), merveilleusement interprété, suivi de «sallou sallou» (priez, priez). Spécialisée dans l'interprétation du mjarrad, qui se contente uniquement de la rythmique des battements de mains, la troupe "al Manga" a enchaîné ensuite avec Saâ saiida (un moment heureux) et Kollou al kouloubi lidhikr al habib tamilou, une performance qui se veut une purification de l'âme, des sentiments et une aspiration à une sérénité supérieure, consacrant une tradition locale que les habitants de Sid Bou Saïd tiennent à préserver. Mais c'était quand même «le premier spectacle en mjarrad qu'on présente en Tunisie», comme nous l'a déclaré Mohammed Ali Ben Cheïkh, qui nous a précisé qu' «Al Manga signifie "al dokkana" (sorte de banc en dur) qu'on trouve habituellement dans les bains et les cafés maures, dans des commerces traditionnels et surtout dans les "zawiyas" (mausolées), où les intèrprètes de la "issawiya" (jalasèt al manga), spécialisés dans le "mjarrad", l'interprétent avec ses différents textes et mélodies. Les litanies de la "issawiyya" commencent par une section vocale qui est accompagnée uniquement par les battements des mains reproduisant ainsi un seul cycle rythmique à cinq temps qui, lent au début, devient au fur et à mesure de plus en plus rapide». En tout cas, on en a eu une belle démonstration vendredi dernier, à Ennejma Ezzahra. Une entrée en matière prometteuse pour ce festival devenu, en moins de six saisons, une manifestation phare du paysage musical et culturel tunisien.