Tout d'abord, il faudrait remercier la Fondation Lazaar pour les arts et la culture d'avoir organisé, dernièrement, un colloque(*) autour de la mémoire atrophiée des arts plastiques au Maghreb. Il s'agit, bien évidemment, de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc, ces trois noyaux importants d'une UMA qui n'a jamais vu le jour, que sur du papier, ou à travers des discours redondants de décideurs qui, dans le fond, n'en avaient cure, pensant plutôt à leurs intérêts personnels qu'à l'intérêt général. Cette perte de temps manifeste, dans l'organisation d'un partenariat maghrébin actif, a été à l'origine de certains préjudices graves au niveau politique, économique, social et culturel dans la région (de la Mauritanie à la Libye), alors que l'Union européenne, allant s'agrandissant, ne trouvait aucune velléité de réponse de notre part. Ce colloque, autour de l'art et de la mémoire, a donc ciblé, principalement, le domaine des arts plastiques dans le Maghreb occidental, «ce lieu de production d'œuvres d'art dites contemporaines» qui commencent à être reconnues internationalement «attirant l'intérêt des médias et du marché de l'art mondialisé», mais certainement pas celui des autochtones que nous sommes. En effet, l'absence d'une réelle mémoire sur la production, pourtant fabuleuse des œuvres picturales créées jusqu'à ce jour dans cet espace maghrébin (musées, disparité des écrits et de leur archivage), nuit à cette situation de clarté que nous souhaitions depuis longtemps. Et c'est pour répondre à ce vœu que les responsables de ce colloque ont décidé de faire en sorte que ce travail de mémoire nécessitât un état des lieux des différents documents disponibles, mais encore parcellaires «entre études théoriques locales et ponctuelles et différents textes et reproductions sur catalogues, ainsi que des écrits critiques journalistiques (encore dispersés)», comme nous l'annonçait l'esthéticienne Rachida Triki. Durant deux jours, chercheurs, galeristes, journalistes témoins de ces époques qui remontent aux premiers jours de nos «Indépendances» respectives, ont ainsi revisité cette mémoire dans tous les sens et les domaines afin de mieux cerner les notions de promotion de la conservation et de l'étude théorique du patrimoine plastique maghrébin. Le constat est le suivant : le temps perdu peut-il être vraiment rattrapé quand on s'aperçoit selon les témoignages des uns et des autres combien cette mémoire a été atrophiée, cassée, parfois occultée et souvent dispersée au vent de l'oubli? Doit-on rappeler aussi que les artistes plasticiens de cette région naviguaient aisément autrefois (vingt, trente ans en arrière) entre Tunis, Alger et Casablanca! Que la libre circulation des personnes et de leurs œuvres existait bel et bien! Que, depuis, toute une génération au moins a disparu, n'ayant jamais eu la possibilité (ou le bonheur) de revoir ses travaux exposés dans quelque musée ou fondation! Que, depuis, aussi, il n'existe plus de grandes expositions dignes de ce nom (annuelles et surtout biennales) comme celles qui se faisaient durant les années 70/80 à l'échelle du Maghreb et du monde arabe ! Que l'on ne connaît plus nos actualités artistiques réciproques ! Que les Etats, finalement, se f… pas mal de l'art, comme de la culture en général! Enfin, et puisqu'il s'agit de notre métier, que tous ces articles que nous avons «pondus» depuis presque une quarantaine d'années ont été peut-être perdus et qu'il faudra bien du temps et de la patience pour les retrouver aux Archives nationales. Ou chez quelque amateur du Beau! Enfin que tous ces écrits, les nôtres, qui ont témoigné pour notre époque, ne sont finalement que des «instantanés» qu'on a «semés à tout vent» (merci Monsieur Larousse), instantanés d'un journaliste tunisien, dont il faudrait retrouver la mémoire, avant sa perte définitive… ––––––––––––––– (*) «Art et Mémoire - Le cas des arts plastiques au Maghreb» (8-9 octobre-Tunis)