A j-10 des élections de l'Assemblée nationale constituante, la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique clôture, ce matin, sa mission. Solennité qui marque aussi la fin d'une transition placée sous le signe de «la légitimité consensuelle» et le passage à une autre, encore inconnue, via des élections assurées mais avec bien des questions en instance… Quand elle a vu le jour, en vertu du décret-loi N°6/2011 signé le 18 février par le président de la République par intérim et publié dans le Journal officiel du 1er mars 2011, la Haute Instance s'appelait encore Conseil supérieur pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique. Une instance indépendante publique qui, dans la logique des évènements, devait contenir les contestations, les revendications et toutes les exigences nées de la révolution. Elle devait tout à la fois assurer le passage et la médiation nécessaire entre le 14 janvier et le rendez-vous électoral alors fixé au 24 juillet. Il faut aussi rappeler qu'elle a dû se construire, dans l'urgence, sur une sorte de fusion «obligée» entre une instance révolutionnaire antérieure — le Conseil de protection de la révolution composé de partis, d'associations et de personnalités indépendantes — et la commission des réformes politiques, présidée par M. Yadh Ben Achour. Mais contrairement à ce premier conseil qui s'était doté d'une mission exécutive et de la latitude à contrôler le gouvernement, la Haute Instance devra se contenter du rôle consultatif que lui attribue le texte. Ce qui lui valut beaucoup de critiques comme «manœuvre subtile de récupération de la révolution», et bien des désistements. Mais quels que soient ses soubassements, l'Instance va s'acquitter de la mission que lui attribue le texte, à savoir déblayer «le chemin démocratique», en se dotant d'un comité d'experts et endossant entièrement le rôle de législateur. On lui devra notamment les projets de décrets-lois sur l'organisation des élections, le financement des partis, les associations, le code de la presse, la liberté audiovisuelle… Une instance en cache une autre A défaut de représentativité, l'Instance va ancrer son autorité dans l'entente et s'entourer de cette «légitimité consensuelle» propre aux périodes de transition et de vide juridique. C'est cette même disposition de «légitimité consensuelle» que le président de l'Instance va suivre en préparant, entre le mois d'août et le mois de septembre dernier, la Déclaration de la transition Démocratique concoctée et adoptée par onze partis, comme agenda préliminaire devant organiser la passation entre le gouvernement de transition et l'Assemblée constituante. Même disposition qu'il continue de manier aujourd'hui à l'intérieur du comité d'experts qui travaille sur un brouillon de statut et une proposition de petite Constitution (texte organisant les pouvoirs publics après les élections et jusqu'à la promulgation de la nouvelle Constitution) que la Constituante aura désormais la latitude de prendre ou de laisser. Car si l'instance ferme ses portes, son comité d'experts continue, lui, de travailler à «parer au vide», question de «faire gagner du temps à la Constituante, autorité élue et souveraine». Ce qui n'est pas, d'évidence, pour convenir à tous les acteurs aujourd'hui sur scène, ne serait-ce que sur le principe même de l'une des promesses électorales de certains d'entre eux et qui est justement de «faire table rase de tous les textes passés». Questions en suspens Dans le paysage politique actuel, en cette campagne et veille d'élections, l'étape de la transition est déjà loin derrière les partis et le pays. Et outre cet acquis formidable et palpable qu'est un processus électoral, désormais assuré, il reste à convenir que cette étape est passée à côté de bien des questions de fond sur lesquelles ce ne sont pas les urnes qui devront se prononcer : les lignes d'un pacte social, en dehors duquel il n' y a de démocratie viable. En même temps que de fabriquer des textes, en même temps que d'orchestrer la vie politique et la nouvelle dynamique partisane et électorale, beaucoup regrettent aujourd'hui que la transition ait raté le grand débat civilisé sur le vivre ensemble qui se profilait au début. A défaut, ce sont des tâtonnements, des polémiques, des controverses et des violences qui ont douloureusement marqué les rapports politiques et sociaux. Dans la fièvre électorale, devant la faiblesse de la société civile et le silence des élites intellectuelles, le débat semble être ajourné. Faut-il, désormais, laisser aux contingences politiques et aux collisions partisanes l'occasion de s'en emparer ?...