Le 1er symposium tuniso-espagnol d'hommes de culture et d'écrivains tunisiens, dont les travaux ont démarré mardi dernier à la Bibliothèque nationale et se sont poursuivis jusqu'au 3 novembre dans différents espaces de Tunis, avant de se terminer le 7 novembre avec un programme touristique de visites guidées à Sidi Bou Saïd, Kairouan, Tozeur, Tamaghza, Monastir et Sousse, a réuni un grand nombre de personnalités littéraires d'Espagne et de Tunisie qui ont débattu de différentes questions autour de la culture et des lettres en Méditerranée. Organisé par l'Association tunisienne des étudiants de la langue et des arts espagnols et la maison d'édition espagnole «Pygmalion Edypro», cette manifestation à laquelle a assisté un grand nombre d'étudiants en langue espagnole, ainsi que de nombreux hommes de lettres, a permis l'échange de points de vue entre les écrivains et penseurs des deux rives de la Méditerranée et stimulé les échanges culturels entre la Tunisie et l'Espagne, à travers la traduction d'œuvres littéraires contemporaines tunisiennes vers l'espagnol et la traduction d'œuvres espagnoles de grande renommée vers l'arabe et le français. C'est dire l'importance d'une telle manifestation pour des étudiants diplômés à la recherche d'un emploi. Une belle opportunité qui s'offre à eux et qu'ils n'ont pas manqué de saisir au cours de cette semaine. 2.000 ans d'histoire tuniso-espagnole L'histoire des relations tuniso-espagnoles n'est pas née aujourd'hui. Elle remonte à l'époque carthaginoise à travers le célèbre Hannibal qui est de père carthaginois et de mère espagnole, comme l'a rappelé M. Azedine Beschaouch, ministre de la Culture, lors de son allocution d'ouverture du symposium. Ainsi, les relations culturelles entre les deux pays sont vieilles de plus de 2.000 ans et elles se sont affermies lorsque la Tunisie a accueilli les Morisques qui se sont intégrés dans le tissu social tunisien en apportant leur savoir-faire et leurs connaissances dans des domaines divers. De nos jours encore, les échanges culturels se poursuivent et s'intensifient, grâce notamment à ce genre de rencontres. Parmi les intervenants à ce symposium, il y a eu Enrique Revuelta Lapique, romancier, parolier et ex-journaliste à El Pais, dont la communication a porté sur «le roman et la mémoire», propose une introspection dans l'écriture du roman depuis la mémoire, indiquant qu'auparavant les écrivains s'intéressaient au but qui portait toute l'action du roman, au détriment de la mémoire. Celle-ci ne se fixait pas de but et laissait libre cours à la pensée. «On ne sait jamais où cela va aboutir», a précisé notre Lapique. «Le premier romancier, ayant entrepris cette démarche de manière sans doute inconsciente, est Marcel Proust qui a totalement bouleversé l'écriture du roman», a-t-il ajouté. L'intervenant a exprimé son souhait de voir son roman «Luna Parker», une histoire d'amour et d'identité, traduit en arabe. L'Amérique latine, l'autre rive Le traducteur pourrait être, pourquoi pas, Mohamed Ali Yousfi, qui compte à son actif 24 livres d'auteurs d'Amérique latine traduits en langue arabe. Ce sont les maisons d'édition libanaises qui lui ont permis de découvrir la littérature amérindienne. Il a traduit les œuvres de Gabriel Garcia Marquez Histoire d'un naufragé, Le temps des patriarches où il est fait allusion à la personnalité du dictateur. Ces livres ont fait un tabac au Moyen-Orient. Son intervention à ce symposium s'est focalisée sur le thème «Tunisie-Espagne et l'autre rive méditerranéenne : l'Amérique latine». Il existe de grandes similitudes entre les cultures d'Amérique latine et le monde arabe. Les auteurs amérindiens se sont beaucoup inspirés des «Mille et une nuits» dont Borges, et vice versa. Cette littérature est la plus proche des Arabes, parce qu'elle traite de la dictature telle que vécue dans les pays arabes. Les auteurs d'Amérique latine ont su traduire la dictature en littérature. Les écrivains arabes n'ont pas encore abordé cette question dans leurs romans. Dans sa communication, Youssfi a mis en relief les influences littéraires des deux côtés et l'impact des œuvres traduites sur les écrivains arabes. «Lorsqu'on lit un roman dans une langue traduite on s'approprie le texte qui devient local, assimilé et plus abordable, alors que dans sa langue originale, il reste étranger», a indiqué l'auteur du roman Le soleil des tuiles (Prix Comar 1997), ajoutant que Borges ou Marquez deviennent des auteurs arabes, lorsque leurs œuvres sont traduites.