Financé par l'Union européenne, un programme de jumelage GBO (gestion budgétaire par objectif) a été lancé le 18 novembre par le ministère des Finances. Ce programme vise à appuyer l'administration tunisienne dans le processus d'amélioration de la gestion des finances publiques. L'initiative est dans l'absolu louable, mais, ce faisant, le ministère des Finances ne craint-il pas de faire un double emploi avec un programme opérationnel depuis 2004 sous la houlette de la Banque mondiale et qui était lui aussi censé conduire à «la bonne gouvernance, la transparence, la discipline budgétaire et la préservation des équilibres économiques et financiers»? A moins que les deux programmes aient des motivations et une portée différentes. La décision des autorités tunisiennes de se tourner vers un système budgétaire par objectif ne date pas d'aujourd'hui. Avec l'appui de la Banque mondiale, des travaux ont dans ce sens été effectués en 2005 par le ministère du Développement en coopération étroite avec les ministères des Finances, de la Santé, de l'Agriculture, de l'Enseignement supérieur, le contrôle des dépenses et la Cour des comptes. Ces travaux venaient répondre à un souci universel de modernisation de la gestion budgétaire en mettant l'accent en priorité sur les résultats de l'activité et non plus exclusivement sur ce qui était consommé par le budget. Le passage d'une logique de moyens à une logique de résultats permettra l'emploi clair des moyens. Le passage, en effet, à un budget par objectif établi sur une base de programmes et de mesures de performance permet non seulement de relier le plan, les politiques sectorielles et le budget, mais il fournit aussi une information précise sur l'impact des décisions budgétaires et donne aux ministères plus de flexibilité et d'incitation à faire des économies budgétaires. La gestion budgétaire par objectif, telle qu'elle a été par le passé soutenue par la Banque mondiale et adoptée par la Tunisie, telle qu'elle est aujourd'hui appuyée par l'Union européenne et adoptée (de nouveau?) par la Tunisie, permet également — et c'est fondamental — une décision législative basée sur les résultats et situe la responsabilité des gestionnaires autant au plan des résultats qu'à celui de la gestion financière. Tout cela a été dit et écrit noir sur blanc, depuis 2003, dans le cadre de l'appui analytique au développement des budgets par objectifs. Des expériences pilotes de gestion par objectifs ont même été engagées dans certains ministères en attendant de généraliser le système à l'ensemble de l'administration tunisienne. La spoliation institutionnalisée des finances publiques et la corruption généralisée telles que révélées au lendemain du 14 janvier 2011, alors même que la gestion budgétaire par objectif était censée être opérationnelle depuis des années, posent la question de la pertinence de tout programme de gestion des deniers publics en dehors d'un système de contrôle de gestion pertinent et efficace. Sans ce contrôle, la gestion budgétaire par objectif serait vaine et stérile. Il y a lieu d'espérer que le GBO dans sa variante européenne accorde une place de choix à l'activité de contrôle de gestion. Avec bien évidemment l'espoir que la Cour des comptes aura, cette fois-ci, les coudées franches pour faire bien son travail.