Le mouvement citoyen Kolna Tounès a organisé, mercredi dernier, une conférence pour exprimer sa position par rapport à une série d'événements qui ont récemment eu lieu en Tunisie, dont le dernier est la visite du prédicateur égyptien Wajdi Ghonim. Emna Mnif, présidente du mouvement, a reçu le soutien de nombreuses associations, dont le réseau Doustourna, représenté à la conférence par Jawhar Ben Mbarek, et l'Initiative citoyenne pour laquelle Faouzi Maâouia s'est exprimé. Ils étaient également accompagnés par Balkis Mechri-Allagui, vice-présidente de la Ligue tunisienne de la défense des droits de l'Homme. Un manifeste, une manifestation La conférence a été précédée par la publication d'un manifeste signé Kolna Tounès, dans lequel le mouvement dénonce la visite en Tunisie de plusieurs « personnes, de ceux que l'on qualifie de prédicateurs, pour lesquels des espaces publics et des lieux de culte ont été ouverts». Ces visites « participent à la propagation de la violence, de la haine et de la discorde au sein de la société tunisienne... et constituent une intervention dans les affaires intérieures du pays », stipule le manifeste dans lequel le mouvement ajoute que ces prédications vont à l'encontre de la lecture éclairée de la religion que la Tunisie adopte depuis des siècles, qu'elles vont à l'encontre des lois en vigueur et des simples droits humains et que la première victime en est la femme. Tout en marquant son étonnement face à la position passive du gouvernement et des membres de l'Assemblée constituante, Kolna Tounès les appelle à agir face à ces prédications «qui ne doivent pas être considérées comme des cas isolés » comme elle appelle les imams et oulémas tunisiens à être les boucliers de la tolérance. L'action de Kolna Tounès et des représentants de la société civile qui la soutiennent ne s'arrête pas là. Emna Mnif a en effet déclaré, lors de la conférence, qu'une manifestation sera organisée devant l'Assemblée constituante le samedi 18 février, entre midi et 14 heures. Des membres du rassemblement iront ensuite rencontrer Mustapha Ben Jaâfar, le président de l'Assemblée, avec un manifeste commun. «Ce n'est pas suffisant», a ajouté la présidente du mouvement, qui a également déclaré avoir envoyé, via un huissier de justice, une lettre à Mustapha Ben Jaâfar, au président de la République Moncef Marzouki et à Samir Dilou, en sa qualité de ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle. Agir dans l'union Par ailleurs, et avant de céder la parole aux autres invités de la conférence, Emna Mnif a expliqué que plusieurs personnalités se sont jointes au mouvement, tels Abdelfattah Mourou, Othman Batikh, le mufti de la République, et Mahmoud Bayrem, l'imam de la mosquée de Saheb Ettabaâ. Elle s'est également questionnée sur la durée effective de l'Assemblée constituante. «Le gouvernement demande une trêve et le retour au calme et, d'un autre côté, invite ces prédicateurs. Est-ce avec ce discours que nous aurons la paix sociale et le retour des investissements et du tourisme », a-t-elle demandé. Pour elle, «Wajdi Ghonim est un épiphénomène et ne mérite pas à lui seul que l'on se mobilise, mais la récurrence d'événements similaires, elle, le mérite». Faouzi Maâouia de l'Initiative citoyenne a pris ensuite la parole pour demander à ce que l'action soit commune et pour appeler au rassemblement des forces parce qu'il y a des menaces qui mettent le consensus en danger, suivi de Jawhar Ben Mbarek de Doustourna qui a cité des événements (Sejnane, détournement de mosquées et d'institutions publiques, tentative d'instauration d'un Emirat...) et des déclarations (sixième kalifat...) en les qualifiant d'inquiétants. Il pense que la responsabilité incombe à tous et qu'il y a une tentative de s'approprier le contenu de la Constitution, sans intention de consensus. Quant à Balkis Mechri, elle a rappelé le slogan de la révolution «liberté et dignité», tout en appelant au dialogue et à ce que les droits de l'Homme soient enseignés à l'école. Parmi les intervenants, l'avocate et militante Bochra Bel Haj Hmida a pris la parole pour expliquer qu'elle a intenté un procès au nom d'un groupe d'associations, pour interdire les activités non religieuses dans les mosquées, infraction passible de 6 mois de prison, et une autre affaire en référé pour empêcher Wajdi Ghonim de donner sa conférence prévue pour demain à Sfax. A la fin de la conférence, Emna Mnif a demandé à tous de se joindre à la manifestation de samedi et a dit que Kolna Tounès va agir en continu et en collaboration avec les autres mouvements, tout en adaptant leurs actions aux réactions de l'Assemblée constituante.