M. Nasreddine Ben Saïda, directeur d'Attounissia, arrêté mercredi dernier sur ordre du procureur de la République après la publication à la une de son journal d'une photo «osée», est maintenu sous contrôle judiciaire. Son procès est attendu pour mercredi ou jeudi prochains, ont annoncé ses avocats lors de la conférence de presse qui s'est tenue hier au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt). L'affaire avait soulevé, dès le début, un tollé parmi les organisations professionnelles des journalistes. Lors du colloque organisé hier par l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication et l'Institut arabe des droits de l'Homme sur le thème «Médias publics, réalité et possibilités de réforme », M. Kamel Laâbidi, président de l'Inric, a appelé de nouveau à la libération de M. Ben Saïda, qui observe depuis trois jours une grève de la faim, ainsi qu'à la mise en application des décrets 115 et 116 publiés dans le Journal officiel en novembre dernier et qui dépénalisent le travail du journaliste, garantissant sa dignité, son indépendance et son intégrité physique et morale. • Procès demain ou après-demain Jugée immorale, attentatoire aux bonnes moeurs, la photo qui a été publiée récemment à la Une du quotidien Attounissia n'a pas cessé de faire couler de l'encre, surtout depuis que le directeur du journal, Nasreddine Ben Saïda, a été maintenu en état d'arrestation et transféré à la prison d'El Mornaguia. Alors que journalistes, partis politiques et société civile sont en effervescence, dénonçant une flagrante violation des décrets-lois 115 et 116 du Code de la presse, la tension autour de cette affaire monte en puissance. De son côté, les avocats de la défense n'ont pas manqué d'élever la voix, ne ménageant aucun effort pour défendre la cause de la liberté d'expression. Pas plus tard qu'hier, le comité de défense qui s'est constitué a tenu une conférence de presse au siège du Syndicat des journalistes. La lumière a été faite à cette occasion sur les derniers développements survenus dans cette affaire, avec plus de détails. Mme Nejiba Hamrouni, présidente du Snjt, a tenu à clarifier sa position, réitérant son soutien constant à la liberté d'information dans les normes déontologiques de la profession, renouvelant ainsi son appel au respect de l'application du décret-loi 115 en vigueur, relatif à la protection des journalistes dans l'exercice de leur fonction. «Au-delà d'une violente réaction vis-à-vis d'une telle photo, c'est un véritable danger qui menace tout le secteur...», fait-elle remarquer. Prenant la parole, un des avocats de la défense, présent à la réunion, Me Omar Haj Khlifa, s'est dit étonné face au recours au mandat de dépôt à l'encontre du directeur du journal, procédure suite à laquelle ce dernier a été emprisonné. Car, selon lui, le juge d'instruction ou le procureur de la République aurait dû avoir recours au décret-loi 115, promulgué en novembre 2011 et relatif à la liberté de la presse, d'impression et d'édition, sans demander l'application de l'article 121 du Code pénal, devenu caduc. «En vertu de ce nouveau décret-loi, il aurait été possible, en tout état de cause, de sanctionner l'auteur d'une amende». Et d'exhorter les médias présents à resserrer les rangs: «Vous, les journalistes, vous devez être solidaires comme un seul homme, en totale cohésion les uns avec les autres. Vous êtes la voix du peuple et son porte-parole». L'avocat a fait savoir pour conclure que le procureur de la République a promis que le procès de Nasreddine Ben Saïda aura lieu demain ou après-demain. Sur son état de santé et sa situation carcérale, Me Hadhami Bousorra a indiqué à l'assistance que Ben Saïda observe, depuis samedi dernier, une grève de la faim en signe de protestation contre son incarcération, en s'appuyant sur une loi qui n'est plus valable, et ce, en allusion à l'article 121 du Code pénal. Rapportant ses propos «à la lettre», Me Bousorra a indiqué que le directeur du quotidien, encore en détention, a fait savoir que sa grève de la faim n'est pas un cri d'alarme en soi, mais plutôt une expression d'indignation contre l'atteinte aux libertés en Tunisie. «Bien qu'il se manifeste en étant physiquement affaibli, il s'efforce de tenir bon», a-t-elle encore rapporté. De son côté, Me Khaled Krichi a souligné que son client a été arrêté sur ordre du ministère public et non suite à une plainte. De ce fait, l'affaire a connu, selon lui, des détours politiques. Au-delà d'une polémique pénale, Me Mahmoud Mtiri estime que cette affaire s'est hissée au niveau d'une cause d'opinion publique. D'où la mobilisation massive pour la défendre.