• Les protagonistes conviennent d'un référentiel quaternaire comme source d'inspiration pour la rédaction de la Constitution Hier, au Palais du Bardo et plus précisément au sein de la commission constituante chargée du préambule, des principes fondamentaux et de l'amendement de la Constitution, les constituants ont vécu un événement particulièrement intense. Il s'agit de la rencontre, d'abord, d'Ahmed Ben Salah, l'ancien premier vice-président de la Constituante de 1956, et ensuite du Pr Yadh Ben Achour, ancien président de la Haute instance chargée de la réalisation des objectifs de la révolution. Ahmed Ben Salah était venu parler de son expérience lors de l'élaboration de la Constitution proclamée le 1er juin 1959, alors que le Pr Ben Achour a traité de l'approche qu'il se fait de la future Constitution, plus particulièrement au niveau des garanties qu'elle doit comprendre afin de rompre définitivement avec toute velléité de retourner en arrière et de renouer avec la dictature et le despotisme. Comment les membres de la commission réagissent-ils à l'intervention d'Ahmed Ben Salah et à ses conseils ou recommandations ? Considèrent-ils que le consensus annoncé récemment à propos des référentiels sur lesquels se fondera la rédaction de la Constitution est définitif ou demeure-t-il, encore, objet de débat ? Préserver l'article premier de la Constitution de 1959 Pour Maya Jeribi, secrétaire générale du Parti démocrate progressiste (PDP), le débat sur le consensus est encore à l'ordre du jour. «Les quatre référentiels dans lesquels puiseront les rédacteurs de la Constitution, à savoir les valeurs et principes islamiques, , l'héritage réformiste tunisien, les objectifs de la révolution du 14 janvier et les valeurs universelles émergentes peuvent aboutir à un consensus à condition qu'il y ait la volonté d'y parvenir», souligne-t-elle. Quant à l'intervention d'Ahmed Ben Salah, elle pense que «si l'on veut rendre hommage à une personnalité aussi importante que l'ancien super ministre des années 60, la commission du préambule n'est pas le lieu le plus indiqué pour le faire. Les idées qu'ils a développées dans son allocution n'avaient pas de rapport avec l'élaboration de la Constitution et ne pouvaient, en aucune manière, faire avancer le débat». Quant à Mohamed Hamdi, président du groupe parlementaire Al Aridha, il précise qu'Ahmed Ben Salah considère qu'il «est nécessaire de préserver le premier article de la Constitution de 1959 et qu'il n'est pas indispensable de crier sur tous les toits notre appartenance à l'Islam dans la mesure où nous sommes tous musulmans et qu'il n'y a pas de raison qu'un courant quelconque s'en distingue par rapport aux autres». «Pour nous, à El Aridha, précise-t-il encore, l'essentiel c'est l'application des valeurs qui constitueront le socle sur lequel reposera la prochaine Constitution. Et en appelant à ce que l'Islam y soit présent, nous ne voulons pas qu'il y ait retour à l'application des ‘‘houdouds'' et de la ‘‘Chariaâ'' selon les vieilles méthodes. Quand nous parlons de l'Islam, nous faisons allusion aux valeurs de la justice, de l'égalité et de la concertation, et ces valeurs ne contredisent point les valeurs universelles». Des avis mitigés Comment Sahbi Attig, président de la commission du préambule, des principes fondamentaux et de l'amendement de la Constitution, juge-t-il les thèmes développés par Ahmed Ben Salah et les réactions des constituants à son discours? «Pour moi, l'écoute d'une personnalité d'une telle envergure est d'une importance évidente, dans la mesure où grâce à son expérience en tant qu'ancien premier vice-président de l'Assemblée constituante de 1956 et en tant que rapporteur général de la première Constitution, il nous a édifiés sur les conditions historiques qui ont accompagné la rédaction de cette Constitution, plus particulièrement l'article premier». Et le président de la commission de poursuivre : «Nous avons écouté les approches du Pr Ahmed Ben Salah. Nous avons beaucoup de points de divergence avec ce qu'il a présenté en tant qu'orientations devant être introduites dans le texte de la future Constitution. Toutefois, nous respectons ses idées et nous considérons que son apport est d'une utilité incontestable, notamment pour les jeunes constituants qui ont beaucoup à apprendre de la longue et de la riche expérience de Si Ahmed Ben Salah». Enchaînant dans le même d'ordre d'idées, le jeune constituant Ahmed Mechergui (Ennahdha) révèle qu'il a «découvert en Ahmed Ben Salah un jeune homme dont les idées progressistes et modernistes ont résisté à l'usure des années. Mieux encore, certaines idées qu'il considère comme des évidences sont, aujourd'hui, objet de divergence et de débat qui n'en finissent pas, à l'instar des questions relatives à la relation entre l'Islam et l'Etat ou l'Islam et la société civile. Sa vision est d'une clarté certaine et elle traduit la singularité de la société tunisienne qui a été toujours une société de juste-milieu et de tolérance. Pour ce qui est de son expérience en matière de rédaction de la Constitution post-révolution, il nous a notamment montré que la Constitution doit impérativement consacrer les valeurs qui rassemblent les Tunisiens et concrétiser les ambitions de la société. Il a insisté, en particulier, sur la culture, l'enseignement et la protection de l'enfance». Ahmed Mechergui est par ailleurs convaincu que l'on se dirige, au sein de la commission, vers un consensus général quant aux référentiels qui présideront à la rédaction du texte de la Constitution. Tout en exprimant son accord sur les quatre référentiels retenus jusqu'ici par l'ensemble des membres de la commission, il propose qu'il y ait un seul référentiel, «celui des valeurs universelles, tout simplement parce que je considère que les valeurs de l'Islam sont universelles et que toute valeur universelle tire son essence dans l'Islam».