Le coup d'envoi de Dox Box Global Day Tunis a été donné jeudi dernier à 18h00 à Tunis. Ces deux journées de projections ont été inaugurées par le court métrage Avant de disparaître» de Joude Gorani, ainsi que par le long métrage La vie quotidienne dans un village syrien de Omar Amiralay. L'hommage à ce documentariste qui nous a quittés le 5 février 2011 —trop tôt pour voir le soulèvement de son peuple prendre cette ampleur— a été donc prévu dès l'ouverture de cette manifestation par laquelle des professionnels du cinéma tunisien marquent leur soutien aux frères syriens dans leur quête de liberté, qu'ils continuent à payer très cher. «Il ne faut pas abandonner. Vous nous avez donné la force de continuer», c'est par ces mots que s'est adressé aux Tunisiens, via Skype et à travers le public de la salle de cinéma, l'organisateur de Dox Box, Orwa Nyrabia. La Syrie qui s'est laissé filmer dans «Avant de disparaître» et «La vie quotidienne dans un village syrien» est celle des «Hommes de l'autre rive», comme dirait le poète franco-grec Dimitri Analis. Pendant 18 minutes et pour l'objet de son projet de fin d'études (2005), la réalisatrice Joude Gorani a suivi le cours du fleuve Bardy qui traverse la ville de Damas. De quoi peindre le portrait d'une ville et de ses habitants, avec leur quotidien et leurs contradictions. Elle dévoile surtout l'autre visage d'un Damas qui a l'air surpeuplé, fatigué, où la rivière, à sec, laisse comme des rides sur son passage. La terre, que sont obligés de travailler ensemble les agriculteurs de La vie quotidienne dans un village syrien, est elle aussi ridée, par le manque d'eau et de moyens. Ce film, réalisé en 1974 et censuré en Syrie, pointe directement du doigt les effets pervers de la réforme agraire qu'a connue ce pays après la montée du parti du Baas au pouvoir. Dans ce village, à l'image de tant d'autres à la même époque, le quotidien rime avec précarité, malnutrition, manque d'éducation et de conscience. Le documentaire d'Amiralay ne laisse rien échapper dans son procès à tout un système qui s'est installé en prônant des valeurs d'égalité et de justice sociale, tout en accentuant la pauvreté et l'ignorance de villageois dans l'incapacité d'agir. Le film montre comment le régime en place passe ses idées par le biais de l'école avec des cours axés sur la démagogie plutôt que sur la pédagogie. Aussi, le film se nourrit-il des déclarations des villageois parlant de leurs problèmes en toute spontanéité. On voit même une maman évoquant la mort de la moitié de sa progéniture en bas âge comme s'il s'agissait d'un fait ordinaire. Face aux paysans, il y a l'administration où certains osent parler du manque d'infrastructure et de moyens, comme les médecins et certains instituteurs, tandis que d'autres, derrière leurs bureaux, ne font que glorifier une révolution que les spectateurs, autant que les paysans, ont du mal à percevoir. C'est que Omar Amiralay n'a eu que sa conscience pour lui dicter ce qu'il devait filmer. Lui et Joude Gorani viennent de différentes générations. Il filme la campagne, alors qu'elle pose sa caméra en ville. Tous deux ont cherché, dans la rivière ou dans la terre, les raisons de ce que vit leur pays aujourd'hui... peut-être.