LONDRES (Reuters) — Les principaux partis britanniques ont multiplié hier les attaques cinglantes à l'orée de l'ultime semaine d'une campagne électorale qui semble de plus en plus tourner à l'échec pour les travaillistes, au pouvoir depuis treize ans. Les derniers sondages dessinent une victoire des conservateurs de David Cameron, sans garantie toutefois de décrocher la majorité absolue à la Chambre des communes, et donne le Labour de Gordon Brown au coude à coude avec les libéraux-démocrates de Nick Clegg. Selon une enquête de l'institut Angus Reid pour le Sunday Express, 35% des personnes interrogées s'apprêteraient à voter conservateur jeudi prochain, douze points de plus que le Labour que ce sondage relègue à une humiliante troisième place. Signe du durcissement des tensions pré-électorales, Cameron a qualifié le Premier ministre sortant de "figure rétrécie" tandis que Brown comparait, lui, le Lib-Dem Clegg à un présentateur de jeu télévisé. La perspective d'un Parlement sans majorité claire — qui serait une première depuis 1974 — inquiète en Grande-Bretagne, aux prises avec un déficit record excédant les 11% du PIB. Aussi les Tories demandent-ils aux électeurs de leur confier un mandat fort pour sortir le pays de cette situation. "Je pense que nous avons une dynamique à enclencher en ces tout derniers jours, je pense que nous devons dire: si vous voulez avoir vendredi un nouveau Premier ministre, une nouvelle équipe, un nouveau gouvernement, alors votez conservateur jeudi et nous mettrons en œuvre les changements dont ce pays a besoin", a dit Cameron dans une interview accordée dimanche à la BBC. "Calomnies désespérées et rumeurs hystériques" Gordon Brown admet de son côté que le Labour "part perdant dans cette élection". Mais l'homme qui a succédé sans élection à Tony Blair au 10, Downing Street ne ménage pas ses efforts : dans la seule journée d'hier, il prévoyait un marathon de campagne dans Londres avec des interventions en dix lieux différents. "Je me bats pour ma vie, mais je ne me bats pas pour moi, je me bats pour le peuple britannique", a-t-il dit lors d'un bref discours dans un centre communautaire du sud de Londres. Aux questions posées par l'Observer sur l'émergence spectaculaire de Nick Clegg, révélé par les débats télévisés, et sur le rôle d'arbitre que les Lid-Dem pourraient jouer aux Communes, Brown répond sèchement: "Nous parlons ici de l'avenir de notre pays, pas du prochain présentateur d'un jeu télévisé." Dans le registre des attaques ad hominem, David Cameron n'est pas en reste, qui déclare dans le Sunday Telegraph : "Quelle figure rétrécie nous offre Gordon Brown aujourd'hui! Naguère présenté comme un colosse économique et un génie politique, il s'en remet aujourd'hui à des calomnies désespérées et des rumeurs alarmistes hystériques." Nick Clegg a alimenté lui aussi ces tirs de barrages, prévenant dans l'Independent qu'un gouvernement conservateur serait confisqué par une "clique" de personnages aux "intérêts croisés". Sur le fond, les trois principales formations politiques continuent d'entretenir le flou sur le détail de leurs projets de réduction des dépenses publiques. Calendrier, budgets cibles de cette contraction des dépenses, ampleur des réductions: en dire trop pourrait inquiéter les électeurs. La semaine passée, l'Institut d'études budgétaires (IFS), un cercle indépendant, a appelé les états-majors politiques à la transparence et a prévenu que la réduction de la dépense publique à venir serait sans doute la plus brutale de ces trente dernières années. "Il est frappant de voir que tous les partis pensent que leurs objectifs de restriction budgétaire passeront aux moins aux deux tiers par des réductions de dépenses publiques plutôt que par des hausses d'impôt", souligne Robert Chote, directeur de l'IFS, qui rappelle que hausses d'impôts et réductions de la dépense publique avaient contribué de manière égale à la politique de redressement budgétaire du début des années 1990. "Cela pourrait laisser entendre que tous les partis pèchent par excès d'ambition et, si c'est le cas, le prochain gouvernement pourrait bien être contraint de compter sur des hausses d'impôt et des réductions de prestations sociales plus importantes que les formations politiques veulent bien l'admettre aujourd'hui", ajoute-t-il.