Par Abdelhamid GMATI Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a récemment évoqué une séance de travail tenue à Sidi Bouzid avec des habitants de la région, relatant avec dérision la menace d'un citoyen de s'immoler par le feu si la demande d'ouverture de deux facultés n'était pas satisfaite. Ce qui a provoqué la colère des habitants qui ont organisé une marche de protestation allant jusqu'à exiger la démission du ministre. Le ministère a réagi par un communiqué, «affirmant n'avoir aucunement l'intention de négliger ou de sous-estimer les préoccupations de la région de Sidi Bouzid et que l'ouverture d'établissements universitaires est une revendication légitime». Cela n'a pas calmé les esprits et des organisations et des associations de Sidi Bouzid ont publié un communiqué dans lequel elles critiquent ce qu'elles considèrent comme «une offense» à la région de la part du ministre et exigent des excuses officielles de la part du gouvernement, en plus de la concrétisation de l'accord conclu avec le ministère de la Planification et du Développement régional, le 23 février 2012. Voici une illustration des conséquences que peuvent avoir des propos «inconsidérés». Le ministre conseiller auprès du chef du gouvernement chargé du dossier politique est revenu cette semaine sur l'existence d'un complot qu'il avait avancé il y a quelques jours. Niant avoir parlé de «complot» et de «conspiration», il a accusé la presse d'avoir «déformé les faits en leur donnant une ampleur démesurée». Voulant s'expliquer, il a alors affirmé, sur la chaîne Watania 2, que «la démocratie est une forme de complot continu» et que le «complot» dont il avait parlé n'est pas «une conspiration au sens classique du terme mais un jeu politique entre le pouvoir en place et l'opposition qui tente de renverser le régime». Pourquoi n'avait-il pas été plus explicite dans ses premières déclarations ? La presse n'a donc rien amplifié, s'en tenant strictement aux propos du ministre qui, bizarrement, pense que lorsque l'opposition assume son rôle d'opposition, cela relève du «complot». Le ministre des Affaires étrangères n'arrête pas de surprendre. Après avoir affirmé que «ce gouvernement est le meilleur de l'Histoire», il vient encore de s'illustrer en démontrant sa méconnaissance de la Tunisie, estimant que les côtes tunisiennes s'étendent sur 500 km (en réalité 1.298 km de côtes sans compter les îles). Voulant s'expliquer, il a essayé de noyer le poisson en expliquant que «des minorités mettent les bâtons dans les roues et bloquent le développement». Il faut croire que le ridicule ne tue pas. Le ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle et porte-parole du gouvernement a déclaré, vendredi 23 mars 2012, que, concernant les hommes d'affaires interdits de voyager, un processus a été engagé pour lever, dans une semaine au plus tôt et deux semaines au plus tard, cette interdiction. De son côté, le ministre chargé de la Réforme administrative a annoncé que le salafiste qui a arraché le drapeau tunisien à la faculté de Lettres de La Manouba a été identifié et qu'il sera incessamment arrêté. Voici deux affirmations qui méritent confirmation. Selon le président de la République, «nous sommes dans une phase transitoire, compliquée», et «je peux vous assurer qu'il existe un consensus au sein des partis de la majorité sur le fait que nous préférerions que la charia ne figure pas dans la Constitution. Ce texte doit être basé sur la Déclaration universelle des droits de l'Homme». Selon le président de l'Assemblée nationale constituante, la «Constitution du pays doit prévoir le caractère civil de l'Etat et l'égalité entre tous les citoyens sans discrimination fondée sur l'âge, le handicap, l'appartenance politique ou la conviction religieuse». Et selon le Premier ministre, «une Constitution démocratique et représentative de tout le peuple tunisien, sans favoriser une partie aux dépens d'une autre, sous couvert de légitimité révolutionnaire». Si les dirigeants de la Troïka sont d'accord sur les orientations principales de la future Constitution, comment cela se fait-il que des élus parlent d'imposer la charia? Et qu'attend-on pour élaborer cette Loi fondamentale pour laquelle ils ont été élus ? La communication entre gouvernants et gouvernés est fondamentale dans une démocratie. Mais faut-il encore savoir parler. Parfois le silence est préférable. Surtout si l'on n'a rien à dire ou si l'on use du double langage.