Le philosophe et penseur arabe Mohamed Abed Al Jabri est décédé, hier matin, à Casablanca, à l'âge de 75 ans. Auteur de plusieurs ouvrages, dont notamment La critique de la raison arabe (Naqd Al Aql Al Arabi), Al Jabri avait poursuivi ses études de philosophie à Damas, puis à l'Université de Rabat. C'est là qu'il a entamé sa carrière de professeur de philosophie générale et d'épistémologie. Suite à La critique de la raison arabe, il publie Le discours arabe contemporain, donnant la réplique à l'ouvrage de Zaki Nejib Mahmoud La rénovation de la pensée arabe. Sur les pas de Jean Piaget dans L'épistémologie génétique, se concevait son autre ouvrage La formation de la raison arabe, publié en 1984. Au début des années 90, son œuvre commence à s'imprégner d'une dimension politique, avec La raison politique arabe qui reconstitue les éléments politiques basiques de la raison arabe depuis le Prophète Mohamed jusque dans les dynasties qui ont succédé à cette ère fondatrice. Avec La raison éthique arabe, Al Jabri complète la longue investigation et réflexion philosophique et épistémologique sur la raison arabe, en abordant la pensée politique dans les pays arabes de l'ère post-coloniale. Mais si ces ouvrages et d'autres encore constituent l'essentiel de l'apport de Mohamed Abed Al Jabri, ce grand penseur arabe ne s'est point contenté de cette démarche philosophique au sens académique. Aussi bien ses nombreux autres ouvrages que ses articles publiés notamment dans Al Yom Assabaâ témoignent de son écoute des questions les plus cuisantes de son époque. Son sens aigu de l'histoire de la pensée donnait de la consistance à sa réflexion sur le présent. La relation à l'Occident, Le Projet du renouveau arabe, La démocratie et les droits de l'Homme, La compréhension du Coran sont autant d'œuvres parmi d'autres qui l'ont inscrit dans les diverses crises et les préoccupations qui ont parcouru le monde arabe et musulman. Mohamed Abed Al Jabri est titulaire de plusieurs prix dont celui de Bagdad pour la culture arabe (1988), le Prix maghrébin de la culture Tunis (1992), le Prix des commandeurs (Fondation de la pensée arabe), Beyrouth (2005) et de la médaille Avicenne de l'Unesco (Maroc 2006). C'est une perte inestimable pour la famille des intellectuels arabes, celle d'un grand penseur qui a cultivé un savoir, une curiosité et une recherche profitant profondément à une meilleure compréhension de la structure de la pensée arabo-musulmane passée et présente.