Mercredi soir à El Teatro, Salim Gribaâ a présenté en avant-première son premier documentaire Une plume au gré du vent, une production autofinancée d'une durée de 52 minutes qui retrace, le temps d'une campagne électorale, la vie du groupe «Dostourna». Que reste-t-il d'une aventure humaine, une fois passée l'euphorie d'une campagne électorale post-révolution? Que gardons-nous d'une expérience inédite qui a réuni des personnes de générations et d'horizons différents, le lendemain d'un changement tant attendu et d'une Tunisie nouvelle qui a du mal à se relancer? Durant les 52 minutes du documentaire de Salim Gribaâ, la vie des membres du groupe «Dostourna» nous fait la démonstration de ce que peut être une initiative citoyenne totalement désintéressée, libre et indépendante de tout et de tous pour défendre un projet de Constitution sous la dénomination «Dostourna». Salim Gribaâ nous prend par la main et nous guide, en dressant des portraits séparés des différents protagonistes de cette initiative et en même temps de l'esprit qui les unissait. A la manière d'un road movie, la caméra suit ces candidats à la Constituante dans leur campagne, essayant de convaincre les électeurs de leur projet et surtout leur expliquer qu'ils ne sont pas là pour leur promettre monts et merveilles, mais pour prêcher une nouvelle Constitution républicaine et citoyenne, juste et équitable. Des moments d'euphorie, de joie, de partage, de tension et d'amitié, Salim Gribaâ les a saisis. Sa caméra semble ne pas déranger le cours de leur engagement; d'ailleurs, le réalisateur procède très peu aux interviews directes face caméra, il opte plutôt pour la discrétion et préfère les moments spontanés, certes, plus sincères. Dans cette aventure, le film s'est trouvé un fil narratif intéressant, chaque personnage nous donne accès à un autre, les gens de «Dostourna» nous conduisent vers les électeurs et Salim a su capter les débats de ces derniers, leur hésitation face aux nombreux partis et listes qui se présentaient alors. Il se place en observateur, une sorte de caméra témoin d'une expérience, d'une phase déterminante de notre histoire contemporaine et surtout d'un état d'esprit qui régnait en ce moment-là. Au moment où le rêve était possible et que la sincérité du projet pouvait suffire. Nous le savons tous, «Dostourna» n'a eu aucun siège à la Constituante, le coup était dur pour ses militants indépendants, mais l'enjeu était beaucoup plus grand, comme le montre Salim Gribaâ dans son film, le projet Dostourna continue à vivre sous une nouvelle forme aussi originale que sa genèse... Une plume au gré du vent, première œuvre de Salim Gribaâ, a su maîtriser ce qu'il y a de plus essentiel dans le cinéma documentaire : la sincérité du regard posé, la clarté du fil conducteur, la fraîcheur dans le traitement. Quant à la technique et aux maladresses de l'écriture, et il y en avait, tout comme certaines lacunes, elles ne nous ont pas gâché le plaisir de voir ce film.