«J'ai été arrêté à cause d'un article, et c'est à partir de là que les années de braise ont commencé». Ainsi parlait Hamadi Jebali, Premier ministre, en présidant l'ouverture, hier matin, de la conférence de l'Unesco à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Hamadi Jebali qui n'est pas un journaliste, mais un militant reconnu, et qui est aujourd'hui Premier ministre, voulait montrer son empathie pour la presse et sa sensibilité à la liberté de la presse. Quelques grandes figures mondiales étaient présentes à la tribune, dont Mme Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, et Mme Tawakol Karman, Prix Nobel de la paix. Ni slogans creux ni phrases toutes faites, ni interventions parachutées, n'entacheront la conférence de la Journée mondiale de la liberté de la presse organisée par l'Unesco, qui a choisi la Tunisie comme site d'accueil, non pas suite à un choix aléatoire, ou comme fruit de quelques lobbyings obscurs, mais parce que la Tunisie est le pays qui a donné le la à toutes les autres révolutions et qui aspire de toutes ses forces aujourd'hui à construire une démocratie. A l'ouverture de la conférence internationale de l'Unesco, hier à Gammarth, les participants ont soulevé l'importance du thème et du timing du choix de la Tunisie pour abriter cet évènement majeur. En effet, la directrice générale de l'Unesco, Mme Irina Bokova, a souligné que la célébration de cette journée mondiale de la liberté de la presse dans «le pays qui a organisé des élections libres, les premières depuis plusieurs décennies» est un plaisir et un honneur. Elle a évoqué l'importance du rôle de l'information dans la métamorphose de la société. «La liberté de la presse est la seconde nature des démocraties... Dans la diversité de ces expériences, une leçon, au moins, se dégage : ce ne sont pas les médias qui changent la société, mais les individus qui s'en servent... Plus de 20 ans après l'institution du 3 mai en tant que Journée mondiale de la liberté de la presse, le paysage médiatique s'est complètement transformé, mais notre message reste le même», tel était le message essentiel qu'elle a dégagé des analyses de l'institution onusienne de la réalité du paysage médiatique dans les pays en transition. «Les violences à l'encontre des journalistes doivent cesser, et j'appelle les gouvernements à se mobiliser pour y mettre un terme et à punir les coupables, où qu'ils se trouvent», a lancé la directrice générale de l'Unesco comme appel à une mobilisation générale en faveur de la liberté de la presse. Par la suite, elle conclut : «Aujourd'hui, à la faveur de la journée mondiale de la liberté de la presse, l'Unesco est plus déterminée que jamais à accompagner ses membres pour trouver des réponses à toutes ces questions». Pour sa part, le chef du gouvernement provisoire, M. Hamadi Jebali, a souligné, dans son allocution, «l'importance stratégique de rendre les médias totalement indépendants». «Dans ce sens, a-t-il ajouté, nous comptons lancer une haute instance indépendante de la communication audiovisuelle. Le projet de loi y afférent sera présenté incessamment à l'Assemblée nationale constituante pour adoption. Le gouvernement travaille pour consacrer la liberté de la presse et je regrette que les journalistes soient jugés selon d'anciennes lois. Ces anciens textes de loi, nous allons les abroger». La réforme du secteur médiatique doit se faire en concertation avec toutes les parties, sans exception aucune. M. Jebali a indiqué que le gouvernement s'attache à l'élaboration d'un cadre juridique pour la réforme institutionnelle et juridique des médias publics dans le respect des règles du professionnalisme. Il a affirmé, d'autre part, que les recommandations de la consultation nationale sur le secteur de l'information, lancée vendredi et samedi derniers, seront soumises d'ici une semaine à l'Assemblée nationale constituante. Pour sa part, le coordinateur-résident du système des Nations unies en Tunisie, Dr Mohamed Belhoucine, a évoqué le rôle des jeunes internautes notamment les blogueurs, dans la promotion de la liberté d'expression, et ce, en dépit des méthodes de blocage et de filtrage des informations développées par les pouvoirs politiques et économiques. Il a insisté sur la nécessité de protéger la liberté de la presse pour qu'elle soit une source d'information véridique et crédible dans laquelle les citoyens et citoyennes puisent pour développer leur esprit critique. Il a affirmé qu'un plan d'action a été approuvé en avril dernier par les Nations unies. Il a pour but de mettre en place une stratégie qui garantit un environnement de sécurité au professionnels des médias. Ce plan, a-t-il indiqué, permettra une avancée qualitative dans le traitement international de cette problématique. Durant la journée d'hier, on a traité de plusieurs thèmes dont «les jeunes et les médias sociaux», «l'éthique journalistique dans les situations de transition», «le rôle du parlement et du gouvernement dans la réforme des médias», «l'amélioration de la sécurité du personnel des médias transitionnels et des praticiens des nouveaux médias», etc. Aujourd'hui, plusieurs autres thèmes seront traités dont la réorganisation du paysage médiatique, la dépénalisation de la parole, la configuration des médias numériques, etc.