Que révèle la «Bourse des valeurs» des leaders politiques, des organisations et des partis dans notre pays ? Que pensent les Tunisiens de la situation économique actuelle ? Comment voient-ils la Tunisie maintenant que Ben Ali n'est plus au pouvoir : est-elle meilleure ou pire qu'elle ne l'était auparavant ? Ces trois grandes questions ont constitué le socle du sondage d'opinion effectué par le bureau d'études Sigma sur le thème «Les Tunisiens évaluent le processus de transition démocratique», et ce, durant la période allant du 22 mars au 18 avril 2012 (par la méthode du face à face). Et les résultats sont aussi surprenants que révélateurs sur ce que pensent les Tunisiens du climat social, économique et politique, six mois après les élections du 23 octobre 2011. Il en est de même pour les leaders politiques qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition avec ses diverses tendances. Caïd Essebsi mène la danse A la question : «Quelle est votre opinion sur les leaders politiques : est-elle très positive, positive dans une certaine mesure, etc. ?». Ils sont 27,3% parmi les Tunisiens à avoir une perception très positive de Béji Caïd Essebsi et 28,9% à ressentir envers l'ancien Premier ministre une perception positive dans une certaine mesure. Hamadi Jebali, chef du gouvernement vient en deuxième position, puisque 23,5% des personnes sondées ont de lui une perception très positive alors que ceux qui expriment envers lui une perception positive dans une certaine mesure atteignent 42,3% parmi les personnes sondées. En troisième position, on trouve Cheïkh Rached Ghannouchi, président du Mouvement Ennahdha, perçu très positivement par 22,5% des participants au sondage. Ceux qui ont une perception «un peu positive» du cheïkh constituent 44,3% par les personnes ciblées. Viennent ensuite, le Dr Mustapha Ben Jaâfar avec 18,2% (perception très positive), Maya Jeribi avec 9,8% et Hachemi Hamdi avec 8,6%. Volet partis politiques, Ennahdha occupe la première place avec 26,8% des personnes interrogées se déclarant en avoir une perception très positive. Elle est suivie par ses deux principaux alliés au sein de la Troïka, le Congrès pour la République avec 13,2% et Ettakatol avec 12,9%. Le PDP dépasse d'à peine 0,3% Al Aridha Achchaâbia puisque le parti cher à Maya Jeribi (mais qui n'existe plus juridiquement parlant à la suite de sa fusion avec Afek Tounès et le Parti républicain pour aboutir à la création du parti Al Joumhouri) est perçu «très positivement» par 7% des sondés alors qu'ils sont 6,7% à penser la même chose d'Al Aridha. Le Parti communiste des ouvriers de Tunisie ferme la marche avec 5,2% des participants au sondage reconnaissant en avoir une «perception très positive». «Maintenant que Ben Ali n'est plus au pouvoir, la Tunisie est-elle meilleure ou pire?» La question est on ne peut plus tranchante et claire pour ce qui est de la comparaison que peuvent faire les Tunisiens entre l'ère Ben Ali et l'époque actuelle, une comparaison soufflée par les enquêteurs qui demandent aussi dans une autre question si les problèmes en Tunisie doivent être résolus par la démocratie ou par un leader fort. Pour revenir à la première question, on découvre que 41,7% des personnes interrogées pensent que la situation en Tunisie est pire, une année et quatre mois après le départ de Ben Ali. Un taux assez révélateur sur l'évaluation des Tunisiens de leur pays en cette période de la deuxième transition démocratique censée faire migrer le pays définitivement vers la démocratie. Ce taux suscite encore de l'inquiétude et pousse à une réflexion profonde quand on voit que 37,2% des personnes sondées par Sigma considèrent que «pour résoudre les problèmes actuels de la Tunisie nous avons besoin d'un leader fort», ce qui revient à dire que le paysage politique national actuel souffre de l'absence d'un leader fort, charismatique et rassembleur des Tunisiens. Cependant et en dépit de ces «révélations pour le moins qu'on puisse dire peu rassurantes», les Tunisiens demeurent majoritairement optimistes quant à leur perception de l'avenir de leur pays. En effet, 65,5 % des interviewés voient l'avenir en rose contre 27,4 % qui expriment leur pessimisme quant à l'évolution de la situation économique, à l'heure actuelle. La faute au gouvernement Cette situation est, précisément, pointée du doigt par les participants au sondage dont 42,8 % trouvent qu'elle «n'est pas bonne» et 40,3 % estiment qu'elle «n'est pas bonne du tout», 83,1 % qui n'en sont pas satisfaits, ce qui fait 8 citoyens mécontents sur 10. A qui incombe la faute, en premier lieu, dans cette situation économique? La majorité écrasante des personnes interrogées trouvent que c'est le gouvernement qui en est le premier responsable (53,5%) et contrairement à ce que le gouvernement cherche à faire comprendre aux Tunisiens, ce ne sont pas les banques et autres grandes institutions financières ou les Américains qui ont fermé les vannes à la révolution du 14 janvier 2011. Seuls 4,6% rendent les banques internationales responsables de nos difficultés et 2,7% les imputent aux Américains. La bonne influence de l'armée Maintenant que les responsables de la mauvaise situation économique sont épinglés, que l'optimisme quant à un avenir meilleur demeure de mise parmi une bonne partie des Tunisiens, quelles sont les institutions, les personnalités ou organisations que les Tunisiens estiment «avoir une influence sur la situation actuelle ?» La réponse n'est pas difficile à trouver. C'est l'armée qui l'emporte, haut la main : 96,5% des personnes interrogées pensent que son influence est «bonne ou très bonne». La police semble avoir une cote inférieure. Près de 70% ont une opinion «bonne ou très bonne» de ce corps.