Par Soufiane BEN FARHAT Il n'y a guère de recette pour les élections. Quelles qu'elles soient et pour peu qu'elles soient transparentes, elles peuvent traduire un mouvement de fond de l'opinion, une donne instantanée ou un message immédiat eu égard à la conjoncture locale ou internationale. Les élections législatives algériennes de jeudi tiennent de tout cela à la fois. Aux dernières nouvelles, le Front de libération nationale (FLN, parti présidentiel) a remporté ces législatives avec 220 des 462 sièges. Les islamistes, eux, ont subi un revers, en arrivant en 3ème position avec une soixantaine de sièges. Le Rassemblement national démocratique (RND) du Premier ministre décroche la 2ème place, avec 68 sièges. Ainsi donc, les deux partis nationalistes membres de l'Alliance présidentielle sortante détiennent-ils la majorité absolue au sein de la nouvelle Assemblée. Le parti islamiste Mouvement de la société pour la paix (MSP) a fait bloc avec l'Alliance de l'Algérie verte (AVV) avec deux autres formations islamistes Al-Islah (Réforme) et Ennhadha (Renaissance). Avant ces élections, les analystes s'abîmaient en prévisions et conjectures. C'était d'autant plus évident que ces élections sont intervenues à l'issue d'une levée de boucliers. L'année dernière, dans le sillage du Printemps arabe, des jeunes Algériens avaient massivement protesté. Le pouvoir algérien n'y est pas allé du dos de la cuillère. Tout en annonçant la tenue de ces élections. Et certains analystes se sont mis à escompter une lame de fond islamiste algérienne à l'instar des élections de 1991 et dans le droit fil des élections tunisiennes, égyptiennes et marocaines. Or, à bien y voir, les électeurs algériens ont démenti bien des attentes. Aux risques et périls de ceux qui espéraient à leur guise. Car si les Algériens ont voté en 1991 contre le FLN, ils semblent s'y être réfugiés en 2012. Plusieurs facteurs expliquent cela. Tout d'abord, les Algériens semblent encore profondément choqués par les affres de la guerre civile qui, dans les années 90, s'était soldée par des dizaines de milliers de morts. Le saut dans l'inconnu a été particulièrement coûteux et ses douloureux stigmates se font toujours lourdement pressentir. En même temps, l'Algérie qui vote en 2012 est bien différente de celle de 1991. Les contradictions fondamentales, les déceptions et les aspirations n'y sont plus les mêmes. Le FLN a fait, entre-temps, sa mue. Sa grille de lecture de l'actualité est différente. La «fascination de l'islam politique» en vogue il y a deux décennies est plutôt inopérante, sinon épuisée et à bout de souffle. Le Printemps arabe est, lui aussi, passé par là. Dans maints pays concernés, on redoute que ce généreux printemps ne se transforme en un brutal hiver glacial. Et les Algériens observent. Ils examinent leurs voisins immédiats (dont nous en l'occurrence), ils guettent l'Egypte, la Syrie, le Yémen. Ils auscultent attentivement à l'heure d'Internet, de Facebook et des autoroutes ouvertes de l'information fluide. Et puis il y a les évolutions d'Al Qaïda au Maghreb islamique et des nébuleuses terroristes de tout poil qui ont pignon sur rue à Tombouctou et dans la partie nord du Mali voisin. Bref, les Algériens ne font pas un vote-sanction, mais ils font montre plutôt du vote-utile. Et cela débouche sur les résultats qu'on sait. Ceux qui en sont déçus – à l'étranger surtout — sont légion. Mais les faits sont là. Et ils sont têtus.