De notre envoyé spécial au Caire Slaheddine GRICHI • Un deuxième tour (16-17 juin) est inéluctable • Proclamation des résultats définitifs entre demain et le 29 mai • Le taux de participation au 1er tour : 46% environ Point de surprise dans le premier tour de la présidentielle en Egypte, le cinquième président après Naguib, Abdennasser, Sadate et Moubarek sera ou bien le candidat du parti des Frères musulmans «Al Horriya wal Adala» (la liberté et la justice), Mohamed Morsi, ou le général Ahmed Shafiq, ex-pilote de l'armée, ex-ministre et Premier ministre de Moubarek, qui s'est présenté en indépendant au scrutin. Et comme ni l'un ni l'autre n'a obtenu la majorité (51% des voix), c'est le deuxième tour qui aura lieu les 16 et 17 du mois prochain qui les départagera. Hier en milieu d'après-midi, le dépouillement de près de 90% des bulletins de vote créditait le premier d'environ 28% des voix et le second de 26,8%. Un peu plus tôt, un communiqué d'«Al Horriya wal Adala» confirmait le deuxième tour, mais en accordant à son candidat 30% des voix, à Shafiq 22,3%, au Nassérien Hamdine Sabahi 20% (une remontée spectaculaire), moins de 17% à l'islamiste Aboul Foutouh et près de 11% à Amr Moussa. Mais quelle que soit la crédibilité de ces chiffres, les cinq favoris parmi le douze candidats ont raflé la quasi-totalité des suffrages. Première lecture Si la présence d'un islamiste au deuxième tour est pratiquement acquise, avec une mouvance dominante sur la scène sociale et politique (les islamistes représentent plus de 70% du Parlement), celle de Ahmed Shafiq, bien qu'ayant eu dès le départ les faveurs du pronostic, mérite qu'on s'y arrête. Décrié par «chabab eth'thaoura» (les jeunes de la révolution) comme un symbole de l'ancien régime et mis à l'indexe par les islamistes qui ont essayé, pendant leur campagne, de faire peur aux électeurs en prédisant un bain de sang, au cas où ils lui accorderaient leurs voix, Shafiq a quand même inspiré confiance à une bonne partie des Egyptiens qui y voient une assurance pour l'avenir, en tant qu'homme politique expérimenté, que militaire qui na pas été souillé par des affaires de malversations et, surtout, en tant que contrepoids à une mainmise des islamistes sur l'ensemble des rouages de l'Etat. Une perspective qui fait peur aux libéraux, aux hommes d'affaires et aux Coptes. Mais cela veut-il dire qu'il récupérera toutes les voix des non-islamistes au deuxième tour, qui sont majoritaires d'après les chiffres même d'«Al houriya wal'âdala» (22,3% à Shafiq, 20% à Sabahi et près de 11% à Amr Moussa) ? Rien n'est moins sûr, car les sympathisants de ces deux derniers peuvent ou bien s'abstenir ou sanctionner Ahmed Shafiq en votant pour son rival, dans une large proportion… à moins qu'il n'y ait des recommandations et que l'autre moitié, jusque-là silencieuse, ne se prononce. Et elle ne saurait être pro-islamiste, étant quasi établi que les Frères musulmans et les salafistes, qui ne peuvent compter sur la mouvance soufie qui leur est opposée, ont atteint leur limite électorale. En tout cas, Le Caire était très calme hier et pour la première fois depuis le 25 janvier 2011, l'emblématique Place Ettahrir n'a pas enregistré l'habituelle «khotba» (discours religieux) du vendredi. Mais il n'est pas dit qu'après l'annonce officielle des résultats et vu les voix qui ont d'ores et déjà commencé à s'élever contre l'honnêteté du scrutin, ce calme précaire durera.