Ils viennent de faire une tournée à Tunis pour plaider en faveur de l'abolition de la peine de mort. Ils sont deux membres de la Commission internationale contre la peine de mort (Cipm), en l'occurrence Me Robert Badinter, sénateur des Hauts-de-Seine et ancien ministre français de la Justice sous François Mitterrand, et Mme Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération suisse (1999) et ancienne conseillère fédérale (1993-2002) . Hier, lors d'un point de presse à la maison de l'ambassadeur français, ils ont affirmé que leur visite s'inscrit dans le cadre des efforts de la Cipm dans le but d'encourager la Tunisie à inscrire l'abolition de la peine capitale dans la nouvelle Constitution. Pour Mme Dreifuss, cette visite a pour but de plaider pour l'abolition de la peine capitale mais aussi pour s'informer de l'état des lois en Tunisie en la matière. «Nous sommes tous des militants dans cette commission, explique-t-elle, qui est un élément d'une large coalition travaillant à travers le monde entier pour promouvoir les valeurs de liberté. Il y a, entre autres, la Human Rights Watch et la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples qui travaille, de son côté, sur le continent africain». Après avoir passé en revue les actions entreprises par la commission internationale contre la peine de mort, le grand défenseur de l'abolition de la peine capitale, Robert Badinter a souligné que «la Tunisie est de fait abolitionniste de la peine de mort». «Le débat en Tunisie est particulier car vous êtes depuis 20 ans abolitionnistes. Ici, cette peine, qui est incompatible avec les valeurs des droits de l'Homme, n'est pas appliquée depuis longtemps, pourquoi donc garder le texte de loi ? Actuellement, la question qui se pose, c'est l'abolition juridique. L'exemple tunisien dépasse ses frontières de loin. L'abolition de la peine capitale a un effet symbolique important pour un pays qui vient de se débarasser d'une dictature» , a-t-il ajouté. Selon lui, l'Etat a d'autres moyens pour neutraliser l'assassin sans recourir à ses mêmes méthodes criminelles. «C'est dans les Etats totalitaires qu'on inscrit la peine de mort au sein de la Constitution. En Tunisie, c'est une véritable révolution qu'on a vue et non un putsch ou autre chose. Elle est immense, cette révolution tunisienne. Les Tunisiens, dont cette jeunesse enthousiaste, sont les porteurs du flambeau des valeurs de liberté et de démocratie. Pour un Etat porteur d'un grand avenir en matière de libertés, pourquoi maintenir la loi sur la peine capitale ? En plus, avoir la peine de mort inscrite dans les lois est un handicap pour l'extradition des criminels», enchaîne Me Badinter. Selon lui, les rencontres avec le président de la République et celui de l'Assemblée nationale constituante étaient très positives. Pour sa part, Mme Dreifuss a affirmé que le porte-parole du gouvernement, la vice-présidente de l'ANC et le président de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'Homme étaient tous contre la peine de mort. Elle a insisté, d'autre part, sur l'importance des valeurs de démocratie, de tolérance, de compassion et de justice dans toutes les religions, notamment l'Islam. «La justice, c'est la compassion pour les victimes mais l'Etat n'est pas un Etat qui se venge», a-t-elle souligné. «La discussion est déjà engagée en Tunisie pour ce qui est du droit à la vie. Je pense que c'est le moment opportun pour ce plaidoyer. J'espère qu'il y aura une bonne suite sur ce sujet d'autant plus que tous ceux que nous avons rencontrés étaient des abolitionnistes», a-t-elle ajouté. Sur un autre plan, Mme Dreifuss a affirmé que la Suisse, grâce aux efforts du tribunal fédéral, est en train de collaborer pour aider la Tunisie dans sa procédure de restitution des biens mal acquis par le président déchu et les membres de sa famille, selon la demande de la Tunisie. «Je peux vous rassurer quant à la volonté de la Suisse de tout faire afin d'aider la Tunisie dans ce domaine», a-t-elle conclu.