Par Souad BEN SLIMANE Suite aux évènements du Palais Abdellia et après la conférence de presse du mardi 12 juin, un communiqué a été envoyé à tous les médias, confirmant la ferme décision du ministre de la Culture d'intenter un procès contre les organisateurs du Printemps des arts et de fermer l'espace où s'est déroulé l'évènement, en attendant de le doter d'une administration qui — si nous avions bien compris — «surveillerait» les artistes afin de prévenir d'éventuelles «dérapages». Le soir du 13 juin, le ton a changé. Pendant les infos de 20 heures sur la première chaîne nationale, on a insisté sur le fait que la plupart des œuvres (publiées sur Facebook) qui ont provoqué les violentes contestations n'ont jamais été exposées. On a même donné la parole à un expert en matière d'arts plastiques pour expliquer le sens «positif» et «écologique» de l'un des tableaux exposés, et jugé blasphématoire par les défenseurs du sacré. On a également parlé de plusieurs niveaux de lecture, soulignant qu'une œuvre porte en elle-même des codes et ne se lit pas au premier degré. Dans le même bulletin, on nous a fait part d'un autre communiqué du ministère, rédigé en faveur de la liberté d'expression, de l'art et des artistes. Reportage sur les lieux, témoignages et contre-témoignages... Que s'est-il passé ? Comment expliquer ce nouveau traitement (journalistique) de l'évènement «Abdellia» confirmé de surcroît par le téléjournal comme étant «le détonateur» des incidents graves survenus dans plusieurs régions du pays ? Comment comprendre la nouvelle attitude du ministère, cette fois, dépourvue de contradictions ? Après avoir — pendant la conférence de presse — mis les «attaqués» et les «attaquants» sur un pied d'égalité, le ministre s'est-il enfin rendu compte de la portée de ses premières déclarations et accusations proférées contre les artistes lors de la conférence de presse ? A-t-il compris qu'en prenant les artistes comme boucs émissaires, il ne fait que jeter de l'huile sur le feu? Sait-il désormais que sa vision personnelle de l'art, importe peu par rapport au rôle qui lui incombe en tant qu'homme politique et premier responsable de la culture ? C'est à croire que ce changement de ton n'est qu'une astuce pour calmer les esprits. Tous les esprits, et que le «téléphone» fonctionne encore dans les bureaux des rédacteurs en chef. Il ne faut donc pas rêver. D'autant plus que dans l' interview accordée hier à notre consœur Samira Dami, suite au rassemblement organisé par les artistes devant le siège du ministère de la Culture à La Kasbah , M. Mehdi Mabrouk affirme qu'il n'a pas changé d'avis et qu'il maintient sa position qui consiste «à fermer, momentanément, le Palais El Abdellia, à La Marsa , en attendant de réviser ses prérogatives et de nommer un nouveau directeur, et à poursuivre en justice la société privée organisatrice de la manifestation «Le Printemps des arts» et tous ceux à propos desquels l'enquête judiciaire révélera qu'ils n'ont pas respecté les engagements signés dans le cadre de l'autorisation délivrée». Dans cette même interview, il a également déclaré qu'il avait réaffirmé aux artistes qui sont allés lui exprimer leur point de vue et leurs sentiments, son «attachement à la noble mission de l'art et à la liberté de l'expression». Comment peut-on être «pour» la liberté d'expression et en même temps ouvrir une enquête judiciaire contre des artistes ? Comment va-t-on juger que ces derniers n'ont pas respecté leurs engagements signés dans le cadre de l'autorisation délivrée ? Encore une censure, encore un procès, et encore des professionnels de la parole et de l'expression qui payent les frais d'on ne sait quoi !!! A quoi rime toute cette confusion ? A occuper les têtes et les plumes ? Qui est en train de «discréditer» qui et pourquoi ? Qui sont au juste les ennemis de la révolution ? Ce ne sont certainement pas les artistes qui expriment par le beau leur avis sur ce qui les touche. Quelle manière plus pacifiste de se faire entendre ? En tout cas, s'il y a un point fort à souligner après ce qui vient de se passer, c'est que la révolution tunisienne qui a été à l'origine du «Printemps arabe», a également servi à la promotion du «Printemps des arts», manifestation culturelle jusque-là ignorée par le grand public et désormais autant discutée dans les salons que le feuilleton hindou doublé en arabe et diffusé sur l'une de nos chaînes . Cela dit, ce n'est quand même pas possible que quand Saâd et Saâdallah (*) se disputent, c'est M'barka que l'on jette en prison !!!!! *(Adage tunisien)