Les Caravanes documentaires qui se sont posées au Kef le mercredi 20 juin 2012, proposant une série de films sur le thème de la torture, repartiront aujourd'hui à Tunis avec, dans leurs bagages, une bonne quantité de questions : qu'est-ce qui fait que malgré tous les effort de promotion de l'évènement qui coïncide avec la journée internationale de soutien pour les victimes de la torture, la petite salle du Centre des arts dramatiques et scéniques du Kef demeure presque vide pendant les projections ? Est-ce à cause de la chaleur, ou est-ce que les Kéfois, à l'instar d'une bonne majorité de Tunisiens, ont l'esprit saturé par les débats et les images sanglantes de la marche du monde, au point de préférer rester chez eux à consommer des feuilletons à l'eau de rose, histoire d'échapper à une réalité qu'ils ont de plus en plus du mal à comprendre ? Où sont passés les intellectuels de la ville, le public le plus fidèle de ce genre de manifestations ? Le Kef en était le fief. Qu'est-il arrivé à tous ces hommes et femmes adeptes du rire et du plaisir ? Faut-il aller jusqu'au bout du concept, investir d'autres lieux, et cibler d'autres populations plus lointaines, assoiffées d'images et de rencontres? Les Caravanes en ont déjà fait l'expérience et cela a marché. Dans l'une des régions de la République, l'évènement s'est déroulé sous une tente. Les gens, curieux, ont suivi les films passionnément. Mais pourquoi dramatiser ? Au Kef, du 20 au 24 de ce mois, il y a quand même eu du public grâce à une équipe de jeunes qui faisaient partie de la caravane et qui ont fait preuve de créativité en distribuant des flyers dans les boutiques et les cafés. Ils ont même réussi à « racoler» un groupe de touristes hollandais pour la projection d'un film tunisien filmé en Hollande. D'ailleurs, les «Caravanes», ce programme itinérant pour la culture et l'art documentaire, aux objectifs plutôt conceptuels, ont réussi quelque chose de fondamental : la formation d'une équipe capable d'organiser ce genre de manifestations. Helmi, Mahrane, Ahmed et les autres ne comptent pas leurs heures. Ils sont dynamiques, efficaces et ne cèdent devant aucune difficulté. Et puis, il y a les filles d'Amnesty, du Ciné Club EDH (Education aux Droits de l'Homme) qui font des ateliers de dessin pour sensibiliser les enfants aux droits humains. Il y a aussi Hichem du même groupe qui filme les victimes de la torture qui ont bien voulu témoigner de leurs expériences douloureuses. Quant à Anis et Nabil, photographes, qui arborent leurs appareils comme une griffe, ne ratent aucune expression, aucun visage qui raconte long sur le Kef et la vraie vie... Et, il y a les films dont ceux de Ken Loach et de Jim Sheridan qui nous ont beaucoup appris sur cette pratique criminelle qu'est la torture. Ils nous ont surtout confortés dans nos convictions. Parmi ces dernières, il y en a une très importante : la culture de la résistance est la meilleure des armes. Les caravanes documentaires en font partie. Nous y reviendrons.