• A l'occasion de la Journée mondiale de soutien aux victimes de la torture Les Caravanes documentaires sillonnent le pays depuis un peu plus d'un an et se présentent comme l'un des projets sociétaux les plus nécessaires, après le 14 janvier. Pour Hichem Ben Ammar, l'instigateur de cette initiative, il s'agit de rattraper un retard en matière d'éducation à l'image, tout en associant art et citoyenneté, en vue de renforcer les capacités du journaliste citoyen. «A l'heure où la technologie fait de tout un chacun un reporter potentiel, la culture n'est malheureusement pas au rendez-vous, d'où l'importance d'un travail pédagogique en profondeur». Considérant la Tunisie comme une vaste salle de classe, les Caravanes documentaires organisent çà et là des cycles thématiques accompagnés de débats, des master-class et d'ateliers pratiques de production avec l'ambition de régénérer à moyen terme un réseau cinéphile à travers le pays. Pour favoriser cette synergie et créer un ferment dans la société civile, les Caravanes documentaires établissent des partenariats avec des associations régionales et mettent en œuvre des programmes sur mesure destinés à des publics spécifiques, offrant ainsi une expertise qui correspond à des besoins réels. La réussite des actions déjà entreprises à raison d'une manifestation par mois (Tazarka, Kébili, Kélibia, Bizerte, Menzel Bouzelfa...) a très vite enraciné les Caravanes documentaires dans le paysage audiovisuel tunisien. «Le pari est d'autant plus passionnant qu'il s'agit de fidéliser le public et de créer la demande», poursuit Helmi Hosni, le coordinateur technique, qui avoue devoir refuser des sollicitations par manque de moyens. «L'équipe étant composée de trois personnes seulement, l'ambition semble démesurée par rapport à l'énormité du travail à accomplir», renchérit Medhat Ben Jebara, le coordinateur de programmation, à peine recruté. Luttant contre les forces d'inertie dans un contexte n'offrant aucune facilité, défiant des conditions où la précarité des moyens financiers le dispute à l'indigence des infrastructures, l'équipe des Caravanes documentaires semble assez motivée pour traverser les déserts de l'indifférence et affronter les vents de la dissuasion. Cela fait de ce combat une véritable épopée et donne à ce projet une dimension tout simplement mythique. «La première année fut difficile, il a fallu s'accrocher», explique Hichem Ben Ammar, mais comme la pertinence du projet et les indicateurs de succès plaident pour lui, l'Institut arabe des droits de l'Homme et le British Council ont accepté de soutenir cette entreprise citoyenne en lui permettant d'envisager une deuxième année de fonctionnement. «Nous recherchons d'autres alliés sûrs et ne désespérons pas», continue le documentariste, persuadé que la résistance est le chemin le plus périlleux, mais le plus stimulant. Ayant lancé en décembre 2011, les Douz Doc Days, compétition nationale du documentaire indépendant, dotée de prix en numéraire offerts par Tunisiana, les Caravanes documentaires s'attellent, d'ores et déjà, aux préparatifs de la deuxième session qui promet d'être fort attractive. Les dates de ce festival seront bientôt annoncées lors des prochaines Journées cinématographiques de Carthage. En attendant, les Caravanes documentaires s'arrêtent au Kef, du 20 au 24 juin, pour célébrer en partenariat avec l'ACT du Kef et l'association Insaf pour le développement durable, la Journée mondiale de soutien aux victimes de la torture. Intitulée «Mémoire vive», cette manifestation offre un programme fort consistant qui présente non seulement l'actualité du documentaire en Tunisie, mais aussi de grands films internationaux comme El Karnak de l'Egyptien Ali Bedrakhane, une dénoncition de la torture sous le régime d'Abdennasser ou La Flaca Alejandra de la Chilienne Carmen Castillo, qui interviewe celle qui a parlé sous la « question » au temps de Pinochet. Par ailleurs, trois films importants sur les tortures subies par les indépendantistes irlandais comme Au Nom du Père de Jim Shéridan, Le Vent se Lève de Ken Loach et Hunger de Steve MacQueen donneront l'occasion de débattre autour de cette thématique. Les discussions auront lieu en présence d'anciens détenus d'opinion qui apporteront leurs témoignages à propos de leur détention à l'époque de Bourguiba et de Ben Ali. Ces contributions seront filmées par les participants à l'atelier de production et présentées sous forme de courts métrages le soir de la clôture qui sera à la fois théâtrale et musicale. Pluridisciplinaire, cette manifestation permettra de découvrir le potentiel créatif de la région. La pièce Tark Asalij, qui est un réquisitoire contre la torture, s'inscrit naturellement dans le droit fil de la manifestation. Cette dernière création collective de la troupe du Centre des arts dramatiques et scéniques du Kef sera, en effet, présentée le 23 juin à 18h30, juste avant le concert du groupe «Labess» qui aura lieu dans le cadre du prestigieux fort ottoman qui surplombe la ville. Bonne route et longue vie aux Caravanes documentaires.