Sfax a soif. Les localités et régions alentour également. L'eau ne coule plus des robinets depuis plusieurs jours dans les gouvernorats de Sfax, Mahdia et Sidi Bouzid. Les habitants, contrariés, désabusés, ont lancé des SOS sur les ondes locales et nationales et appelé les autorités concernées à des interventions urgentes. Beaucoup ne cachent pas leur stupéfaction et s'interrogent : comment peut-on manquer d'eau en Tunisie alors qu'il n'a jamais été question de rationnement, hiver comme été ? Serait-ce une simple idée reçue ? Apparemment, oui. «On enregistre des pénuries d'eau potable à Sfax et les régions alentour, durant l'été, depuis dix à quinze ans et le phénomène semble s'amplifier d'une année à l'autre», précise M. Mohamed El Hédi Louati, ingénieur en chef, directeur des études de mobilisation des eaux au ministère de l'Agriculture. Et pour cause. Double problématique La région de Sfax fait face à une double problématique structurelle interdépendante. La première consiste en la rareté des ressources locales : eaux de surface limitées (faible pluviométrie) et eaux souterraines de mauvaise qualité à cause d'une salinité élevée impropre à la consommation domestique. En raison de cette pauvreté en ressources hydriques, Sfax est alimenté de l'extérieur à travers sept ou huit nappes d'eau (du Sahel et du Sud) incluses dans un système complexe de transfert des eaux. Celui-ci fait partie d'un réseau national de conduites interconnectées, qui achemine et distribue les eaux provenant du Nord, du Sahel et du Sud vers les différentes régions du pays en fonction de leurs besoins en eau. La deuxième problématique est liée à ce réseau qui peut connaître des pannes et des cassures au niveau des conduites, ce qui engendre inévitablement des coupures d'eau pendant des périodes plus ou moins longues. En été, et surtout pendant les périodes de grande chaleur, la surconsommation domestique de l'eau augmente le risque de voir l'eau disparaître des robinets. Deux barrages réservoirs en cours d'étude En réponse à l'appel de détresse des populations, les responsables de la Société nationale d'exploitation et de distribution de l'eau (Sonede) ont promis de trouver des solutions urgentes tout en invitant les citoyens à faire preuve de mesure et d'économie dans leur usage quotidien de l'eau en cette période de grande consommation. En termes de solutions, seront-elles radicales ? «Il y a des solutions envisageables et la plus simple et la plus urgente serait d'augmenter la puissance de pompage des nappes de Kairouan et des eaux du Nord au niveau de la conduite de Belli, mais ce n'est pas là une solution radicale et durable», explique l'ingénieur en chef, relevant de la direction générale des barrages et des grands travaux hydrauliques. Selon le spécialiste en mobilisation des eaux, la solution durable réside dans le stockage des eaux en période d'abondance en vue de les exploiter en cas de pénurie. Les ouvrages de stockage sont ce qu'on appelle des barrages réservoirs et deux de ces barrages sont actuellement en cours d'étude. Le barrage Saïda, destiné à alimenter surtout le Grand-Tunis et éventuellement le Sahel, devrait démarrer en 2014, la capacité de stockage étant estimée à 30 millions de mètres-cubes. Second ouvrage : le barrage El Kalaâ, le plus avancé en termes de préparation, sera quant à lui réservé au Sahel avec une capacité de stockage de 25 millions de mètres-cubes. L'étude d'exécution devrait être achevée fin 2013, la période de construction étant estimée à trois ans. Un troisième ouvrage est envisageable, il serait pour la ville de Sfax et ses environs. Les services compétents s'occupent actuellement de l'identification d'un site approprié à l'aménagement d'un tel ouvrage. D'ici là, les solutions conjoncturelles resteront de mise, même si l'on sait désormais qu'elles permettent de dépasser temporairement les crises, sans plus.