• Changer le gouverneur n'est pas un problème en soi, mais tout le danger réside dans les intentions de faire main basse sur la banque des banques, surtout que tous les investisseurs et les bailleurs de fonds accordent une attention particulière à ce sujet Partira, partira pas ? Bien que la vision soit encore floue, la réponse ne va pas tarder. C'est à l'Assemblée nationale constituante (ANC) que se déroulera le prochain épisode du limogeage du gouverneur de la BCT, M. Mustapha Kamel Nabli. En effet, depuis quelque temps, tous les regards sont tournés du côté de la BCT et de son premier responsable, vanté par les uns pour ses compétences et pointé du doigt par d'autres qui estiment qu'il a commis des erreurs néfastes pour l'économie. Et le débat a commencé dès sa nomination par le premier gouvernement de transition de Ghannouchi. Mais, ces derniers temps, le dilemme ou le conflit, on ne sait trop comment le qualifier, semble prendre de l'ampleur, voire se transformer en un duel avec la Présidence de la République. En effet, le président provisoire de la République, Mohamed Moncef Marzouki, a décidé de mettre fin, mercredi 27 juin 2012, aux fonctions du gouverneur, en concertation avec le chef du gouvernement provisoire, conformément aux dispositions du premier et du quatrième paragraphe de l'article 26 de la loi constitutionnelle n°6 2011 du 16 décembre 2011 et relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics. Le gouverneur, pour sa part, a gardé le silence durant une dizaine de jours, et a continué son travail dans des conditions normales. Mais, après avoir été informé que son dossier a été remis à l'ANC, le gouverneur a jugé nécessaire d'exposer sa position et celle de son institution sur cette affaire. Hier, au siège de la BCT, le gouverneur a exprimé un sentiment d'amertume de devoir consacrer une conférence de presse à l'affaire de son limogeage au lieu de débattre des politiques monétaires, des réformes du système bancaire, des réserves en devises et d'autres thématiques vitales pour l'économie nationale. «A partir du moment où le dossier est remis à l'ANC pour approbation, je me trouve obligé de m'adresser aux médias et à l'opinion publique pour apporter ma vision des choses», relève M. Nabli. Une vision qui revêt le seul caractère institutionnel. «Puisque si c'étaient les considérations personnelles qui l'emportaient, j'aurais certainement quitté la BCT depuis longtemps», déclare-t-il. Ainsi, le gouverneur donne à entendre qu'il ne démissionnera pas de son poste. Et il avance deux raisons. La première est que toute démission nécessite d'exposer les motivations d'une telle décision. A cet égard, il déclare qu'il ne dispose pas d'arguments plausibles pour appuyer une telle démarche. La deuxième raison est que dans cette phase de tiraillements une démission «sous pression» ne ferait que fragiliser la première institution financière du pays. Il est à rappeler que, depuis la révolution, la BCT a participé, avec les moyens du bord, à rétablir l'équilibre dans le pays et à assurer, dans la mesure du possible, la relance économique. D'où, selon le gouverneur de la BCT, il incombe à tout un chacun de renforcer l'indépendance de cette structure, loin des calculs étriqués et des tiraillements. «Et c'est l'essence même des textes de loi promulgués par l'ANC», rappelle-t-il. Et d'ajouter: « Malheureusement on se retrouve dans la situation qu'on voulait éviter, à savoir impliquer la BCT dans des conflits politiques au détriment des négociations relatives aux questions monétaires et économiques». D'ailleurs, changer le gouverneur n'est pas un problème en soi, mais tout le danger réside dans les intentions de faire main basse sur la banque des banques. Surtout que tous les investisseurs et les bailleurs de fonds accordent une attention particulière à ce sujet. Cela reflète le niveau de stabilité et la nature de la gouvernance dans le pays. Il renchérit : « Même si les intentions sont bonnes, une décision unilatérale de limogeage qui contredit toutes les lois, les principes et les coutumes internationales enverrait de mauvais signaux aux partenaires étrangers ». A cet égard, il rappelle qu'aucune motivation de la décision du président n'a été soumise au gouverneur pour qu'il apporte, éventuellement, ses réponses. De même, il a manifesté son étonnement de la célérité de cette décision. Par ailleurs, il s'est attardé sur les critiques sévères et les dangereuses accusations qui lui ont été lancées par certains médias. Catégorique, il relève : « Je poursuivrai en justice tous ceux qui ont communiqué ces histoires. Je n'ai jamais appelé à la dégradation de la note souveraine de la Tunisie. C'est une accusation de trahison ». Sur un autre plan, il a insisté sur le fait que la banque n'a jamais caché de dossier. Il ajoute : «Au contraire on a fourni toutes les informations et les documents disponibles». De même, il a manifesté son enthousiasme à la proposition de former un comité de constituants qui enquêteront sur quelques dossiers à la BCT. Enfin, face à la détermination de la présidence et la passivité du gouvernement, le gouverneur estime que la résolution institutionnelle de ce conflit en faisant recours à l'ANC est en mesure d'atténuer les effets néfastes d'une décision unilatérale. Ainsi, le gouverneur a terminé sur une note positive, malgré lui.