Ils étaient, hier, plusieurs militants de la société civile, tunisiens, africains et européens, à investir la grande salle de réunions du siège de l'Ugtt à la rue de Grèce, pour assister à l'ouverture de la deuxième session de formation organisée à l'initiative du Rassemblement pour une alternative internationale de développement (Raid) sur le thème : «Dette, processus constituant et souveraineté». Venus discuter, trois jours durant, (les 9, 10 et 11 juillet 2012) de la meilleure stratégie à mettre en place en vue de sensibiliser l'opinion publique et les décideurs politiques sur la nécessité de trancher sur la question «des dettes odieuses contractées par les régimes dictatoriaux, dont en premier lieu celui de Ben Ali», ils se sont penchés au cours de la séance inaugurale sur des questions telles que «les relations des révolutions au Maghreb-Machrek», «la révolution arabe et l'Afrique subsaharienne : la crise malienne en exemple», et «l'échec des expériences de développement dans les pays arabes après l'indépendance». Six leçons à tirer Mimoun Rahmani, expert financier et membre dirigeant d'Attac Maroc a essayé de tirer les leçons des révolutions arabes en revenant à la transformation des valeurs qu'ont connues les sociétés arabes depuis les années 80. «Ainsi, souligne-t-il, après des valeurs purement matérielles qui distinguaient nos sociétés, à la suite de l'application, au début des années 80 du siècle dernier, des programmes d'ajustement structurel (PAS) conseillés et imposés par le FMI, on assiste, aujourd'hui, en cette phase de post-modernité, à l'émergence de nouvelles valeurs, à l'instar de celles de la dignité, de la liberté et de la justice sociale. L'importance des révolutions arabes réside en cette rencontre entre les revendications sociales et les revendications démocratiques. Au Maroc, par exemple, on a vu la gauche radicale pactiser avec les islamistes radicaux». Reste, maintenant, quelles leçons tirer des révolutions arabes? Mimoun Rahmani distingue les caractéristiques dominantes suivantes : «– Les révolutions arabes n'ont reçu aucun financement étranger. – Ces révolutions n'ont pas enregistré de discours d'oligarchie. – La classe ouvrière a marqué sa présence dans les manifestations auprès des organisations de la société civile. – Les révolutions arabes n'ont pas connu de leaders, au regard de cette opposition de gauche qui n'a jamais été unifiée. – Les médias arabes n'ont joué aucun rôle dans le genèse des révolutions, à l'exception de la chaîne Al Jazira. – La dernière leçon : finalement, ce sont les islamistes qui occupent le pouvoir aujourd'hui et ils sont en train d'appliquer des politiques économiques libérales. Et s'ils sont, aujourd'hui, au pouvoir, c'est parce qu'ils ont été financés par les pays du Golfe (Qatar, les Emirats et l'Arabie Saoudite) et c'est parce que les USA considèrent que la meilleure solution est de les porter au pouvoir». La Banque mondiale et le FMI, un rôle ambigu Pour Fathi Chamkhi, porte-parole de Raid, quand la révolution s'est déclenché le 17 décembre 2010, «personne ne pouvait prédire, à ce moment-là, où elle allait finir. Comment ? Nous avions besoin d'une pensée populaire révolutionnaire et nous avions à répondre à la question suivante : quel régime fallait-il faire tomber ?». «A mon avis, le véritable régime à abattre c'était le régime en entier avec sa dictature politique, économique et sociale», poursuit-il. A l'opposé, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international savaient ce qu'ils avaient à faire «aujourd'hui, les USA et les institutions financières internationales continuent à être accueillis en amis alors qu'ils sont les véritables ennemis de notre révolution». Et Fathi Chamkhi de s'interroger : «Où sont les partis révolutionnaires ?» et d'ajouter : «Les mouvements islamistes ont été financés par l'étranger, mais d'autres partis l'ont été également. Que tout le peuple soit descendu dans la rue, que les USA aient choisi ou non les islamistes, que ceux qui n'ont pas voté lors des élections, l'on fait par hasard ou n'aimaient pas la révolution, l'essentiel, c'est que le mur de la peur est tombé définitivement. Aujourd'hui, malgré toutes les crises que vit très mal l'actuel gouvernement qui n'a pas réellement les moyens de répondre à toutes les revendications, mais qui n'a pas le courage de le dire au peuple, la révolution nous dit : une autre Tunisie est possible. Il faut y croire et continuer à militer pour la réalisation des objectifs de la Révolution du 14 janvier 2011». De son côté, Tembely Samba Ibrahima (Mali) a traité des événements qui viennent de se produire à Bamako insistant sur le fait que «les démocraties installées en Afrique dans les années 90 du siècle dernier étaient des démocraties de façade et la corruption était érigée au rang de système de gouvernance. Au Mali, 350 milliards de francs CFA ont été détournés par les gouvernants». Tembely Samba Ibrahima précise encore : «Ce qui a été fait au Mali (le coup d'Etat) était béni par le peuple et le président malien devait tomber inéluctablement».