Par Muriel BESSIS Bledi, bledi, je ne te quitterai jamais. Ma mère, Hafsia, Berthe a tenu sa promesse. Elle n'a pas quitté son pays. Elle est décédée en bonne santé mais de vieillesse. Son petit corps était usé. Usé d'avoir élevé les quatre enfants de mon père, et puis ses deux filles. Usé d'avoir arpenté les étages pour récolter des loyers hypothétiques de quatre à cinq dinars. Souvent volée, les voleurs pardonnés. Volée même après sa mort. Dois-je pardonner aussi ? Tous ceux qui l'on connue vous raconteront combien elle était courageuse, généreuse, partageant son morceau de pain. Elle s'inquiétait du petit marchand de fruits dont l'étalage était au coin de la rue. Va-t-il tout vendre ? Va-t-il pouvoir nourrir sa fille ? Ma mère adorait son pays, notre pays : la Tunisie. Ce pays qu'elle ne voulait pas quitter, même le temps d'un petit voyage. Et quand elle allait à Sousse, chez mon amie Zohra, elle s'inquiétait. «On est toujours en Tunisie, n'est-ce pas ma fille ?». Elle a eu le temps de voir notre pays s'auréoler de gloire, de voir ma douce Tunisie fière de son peuple courageux, téméraire. Ma douce Tunisie des barricades, ma douce Tunisie et son jasmin qui inonde les jardins. Ôh combien nous y sommes attachés. Si nous avons réussi notre vie, mon époux et moi, c'est bien grâce à notre douce Tunisie qui nous a donné une jeunesse heureuse. Nous avions, tous, les mêmes valeurs humaines : la sincérité, la générosité, l'honnêteté. Continuons tous dans ce sens et continuons à faire de notre pays un pays admiré, un pays où il est bon de vivre car nous sommes tous unis et amoureux de ma douce Tunisie.