Par Soufiane Ben Farhat Les questions relatives à l'argent des partis politiques sont remises sur le tapis. Brutalement et sans à-coups. Les dernières informations sont explosives. Le journaliste britannique Robert Fisk, pas moins que lui, est entré en lice. Il a affirmé que l'émir du Qatar a accordé au parti Ennahdha 150 millions de dollars la veille des élections du 23 octobre 2011. Son article, paru dans Belfast Telegraph est intitulé «We believe that the USA is the major player against Syria and the rest are its instruments» («Nous pensons que les Etats-Unis sont l'acteur majeur contre la Syrie et le reste sont ses instruments»). Il se veut pointilleux et précis. Au cours d'une entrevue, le chef de la diplomatie syrienne lui parle d'une rencontre avec l'émir du Qatar, à Doha. Walid El-Mouallem déclare : «Alors que j'attendais pour entrer dans la réunion, il y avait le chef du parti tunisien Ennahdha. L'émir a ordonné de lui payer 150 millions de dollars pour aider son parti Ennahdha aux élections (du 23 octobre 2011, remportées par Ennahdha)». El-Mouallem raconte d'autres choses : «J'ai dit à l'émir : Vous aviez des relations très étroites avec Mouammar Kadhafi (...), alors pourquoi vous envoyez vos appareils pour attaquer la Libye et acceptez de faire partie de l'opération de l'Otan (contre la Libye)?'' L'Emir répond simplement: ‘‘Parce que nous ne voulons pas perdre notre élan à Tunis et en Egypte – et Kadhafi était responsable de la division du Soudan.» L'affaire est suivie en Tunisie. Avec intérêt, bien évidemment. Deux hauts responsables d'Ennahdha nient. L'un d'eux annonce même qu'il compte porter plainte contre Robert Fisk et les médias tunisiens qui ont relayé l'information. Quoi qu'on dise, l'incident soulève de sérieuses interrogations sur le financement des partis politiques sous nos cieux. Déjà, le domaine est poissonneux et occulte. Un écran de mystères et de non-dits l'enveloppe douteusement. La dernière affaire remonte à l'étrange perte du carnet de comptes du CPR, parti de la Troïka gouvernementale. Il n'a pas pu rendre compte de l'utilisation des deniers publics (près de 150 mille dinars) qui lui avaient été alloués durant la dernière campagne électorale. En écoutant l'argument, les observateurs avertis avaient souri. Et puis il y a un faisceau d'indices indiquant que les mannes de l'argent politique sont en passe de couler à flots. Encore une fois, impunément. Les interférences locales et étrangères de quelques potentats ou puissances ne sont un secret pour personne. Certains semblent même s'être racheté une virginité politique moyennant l'octroi de grosses sommes à telle ou telle partie. Sonnantes et trébuchantes. L'argent sale souille la vie politique, déjà profondément entamée. Et cet argent déborde sur deux autres terreaux de prédilection : les associations et les médias. Des réseaux politico-mafieux s'y sont investis. Au vu et au su de tous. Impunément. Moyennant d'étranges collusions et accointances par moments. En fait, la tendance est devenue phénomène. Ce dernier risque de polluer davantage la vie politique. On prédit même une véritable catastrophe en la matière à l'occasion des prochaines élections. Si l'on ne s'y prend pas à temps, cela peut dégénérer, irrémédiablement. Il appartient à l'Assemblée constituante de se pencher sérieusement sur la question. Au plus pressé. Avant que le fléau ne compromette à perpétuelle demeure la vie politique.