La copie et l'original, l'œuvre d'art authentique et la fausse, sont-ils au cœur du nouvel opus Copie conforme, de l'Iranien Abbas Kiarostami présenté en compétition officielle de cette 63e édition du Festival de Cannes. Visiblement, ce n'est que le prétexte d'une réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes‑: James, un écrivain anglais, donne en Italie une conférence ayant pour thème les relations étroites entre l'original et les copies dans l'art. Une jeune femme, française, galeriste demande à le rencontrer et l'entraîne pendant quelques heures dans les ruelles de la Toscane, un petit village du sud de la péninsule… Un jeu s'installe entre eux, quand la femme fait passer James pour son mari trop souvent absent. L'écrivain entre dans son jeu dangereux où le vrai se mêle au faux. Copie conforme marque le retour de Kiarostami en compétition, 13 ans après avoir remporté la Palme d'or avec Le goût et la cerise, en 1997. Ce film est le premier qu'il tourne en dehors des frontières loin d'Iran. Toute la subtilité de cet opus est dans cet effet de distanciation que crée Kiarostami, en faisant entrer ses principaux protagonistes dans un jeu de simulacre qui installe le doute et la confusion comme d'ailleurs dans le personnage désormais culte de Close-up où un homme au chômage se fait passer pour un cinéaste. Mais en fait, ce n'est qu'un faux jeu où le couple déballe tout : la femme qui se sent seule, délaissée, solitaire sans épaule sur laquelle s'appuyer tandis que l'homme absorbé par son travail ne regarde presque plus sa femme qui a besoin de signes d'amour et d'affection sécurisants pour la pérennité du couple. D'un propos général sur le faux dans l'art, soit la copie qui peut supplanter parfaitement et sans problème l'original, Kiarostami transpose cette thématique du faux semblant à la relation intime du couple et par-delà, à la forme dont l'épure renvoie au film-culte Voyage en Italie de Roberto Rossellini. Le film de Kiarostami truffé de références bibliques et occidentales vaut surtout par deux acteurs européens, les deux premiers qu'il dirige, Juliette Binoche dans le rôle de la femme et l'Anglais William Shimel dans celui de l'homme. Dans la conférence de presse qui a suivi la projection du film, Abbas Kiarostami a longuement évoqué la situation de son compatriote Jafar Panahi qui devait être membre du jury international de la 63e édition de Cannes et dont l'emprisonnement l'a «profondément attristé». «Je crois que ce que l'on peut dire de façon certaine c'est que le fait qu'un cinéaste soit emprisonné est en soi quelque chose d'intolérable».