Majless Choura conciliant et rassembleur Quand Rached Ghannouchi reçoit des salafistes, que leur dit-il ? Quel discours tient-il ? Celui de la démocratie, de l'égalité citoyenne, des droits humains, de la République civile qu'il a affirmé avec force depuis septembre 2011? Le discours officiel de Cheikh Rached Ghannouchi a été encore déroulé dans des interventions à la radio ou à Doha, à l'occasion d'un colloque international sur le thème «Les islamistes et la démocratie». Il a énoncé explicitement qu'il n'y a pas d'Etat théocratique en Islam, mais seulement un Etat civil, que la Constitution va être écrite pour l'ensemble du peuple, elle doit être consensuelle, qu'il faut éviter «tout ce qui nous divise et reprendre ce qui nous rassemble». Le leader islamiste, au plus fort de son pragmatisme politique, ajoute qu'il a découvert au cours de ces 20 ou 30 dernières années l'importance de la citoyenneté, de l'égalité citoyenne, des droits de la femme, de la liberté individuelle et «nous y adhérons pleinement» avance-t-il. C'est dans les grandes lignes, ce qu'il répète depuis l'automne 2011, avant les élections. Dans la foulée de ce discours conciliant, structuré, se voulant rassembleur, Ennahdha a salué l'initiative de l'Ugtt et annoncé qu'elle prendra part à la conférence de dialogue convoquée par la centrale syndicale le 16 octobre. M. Ghannouchi a également annoncé qu'il acceptait la plateforme du 18 octobre (en référence au mouvement né en 2005), plateforme qui reconnaissait, (bon à savoir le CSP), l'égalité homme-femme, la liberté de conscience ainsi que toutes les libertés individuelles et les droits de l'Homme tels qu'ils sont universellement compris. Le Conseil de la choura, qui s'est réuni ce week-end, a validé cette position. Le tout-puissant Majless issu du dernier congrès tenu juillet dernier, fort de ses 150 membres, avec au sommet de la pyramide, le Premier ministre Hamadi Jebali, des ministres et des constituants, est une sorte de parlement, «ou si l'on veut un comité central qui a beaucoup de pouvoir», analyse pour nous le professeur émérite Abdelmajid Charfi. «Il peut, en effet, entre deux congrès définir toute la ligne du parti». Selon l'illustre islamologue, «c'est la tendance pragmatique qui prédomine le Majless ces derniers temps, en témoignent l'action d'Ennahdha et ses prises de position». C'est tout dire. Fethi Ayadi, président du Conseil de la choura, lui-même constituant, avait fait valoir la nécessité de parvenir à la cohésion sociale et l'unité nationale en exigeant un calendrier précis des dates politiques. « Nous avons demandé au bureau exécutif du mouvement, déclare-t-il à La Presse, de travailler avec l'ensemble des partenaires politiques, d'œuvrer à garantir l'indépendance de l'instance des élections et sa neutralité, de considérer positivement l'initiative de l'Ugtt, et de préserver les acquis de la révolution. Mais nous tenons plus que tout, insiste-t-il, à garantir la transition démocratique de notre pays et à faire prédominer l'intérêt national qui doit passer avant toutes les autres considérations». Seulement voilà, entre ce qui se dit et ce qu'il en est réellement, il semble y avoir un décalage discursif assez compromettant. Taxé d'entretenir méthodiquement le double langage et de moduler le discours selon le public, Ennahdha s'est toujours défendu en criant au complot et à la mauvaise foi de ses adversaires. La vidéo qui circule sur la Toile depuis hier matin est pour le moins troublante.