Avec la proposition de la Troïka d'organiser les prochaines élections le 23 juin 2013, les réactions se sont multipliées entre celles qui considèrent que la date en question est possible et celles qui estiment qu'il est impossible que les Tunisiens aillent de nouveau aux urnes avant l'automne prochain. Kamel Jendoubi, le futur président de l'Isie, vient de déclarer à une radio privée que «le mois d'octobre 2013 est la date la plus propice aux prochaines élections». Comment les acteurs du paysage politique national ont-ils réagi aux déclarations de Kamel Jendoubi ? Considèrent-ils que les Tunisiens et les Tunisiennes peuvent attendre une année encore pour reprendre le chemin des urnes ? La Presse a posé ces deux questions à certains animateurs de la vie politique nationale. Réactions. Abdelwaheb Hani, président du parti Al Majd Nous proposons un parcours électoral en deux temps Premièrement, concernant la méthode adoptée par la Troïka pour annoncer la date des élections, il s'agit d'une précipitation manifeste qui n'est fondée sur aucune évaluation objective. Il aurait fallu mettre en place l'Isie et lui demander de fixer un calendrier électoral réaliste avant de se prononcer. Deuxièmement, il aurait fallu réunir tous les partenaires politiques autour d'une même table pour élargir le consensus national, notamment pour ce qui est de la séparation entre les élections législatives et les élections présidentielles, l'une des revendications majeures du mouvement démocratique dans son ensemble, depuis plus d'un quart de siècle. Nous pensons, au sein d'Al Majd qu'il est possible d'organiser des élections présidentielles avant même la date annoncée par la Troïka, c'est-à-dire aux alentours du mois de mai 2013, dans la mesure où elles sont plus faciles à organiser et à contrôler. Dans notre scénario, on peut organiser les élections législatives à la rentrée prochaine, fin septembre-début octobre 2013, le président élu auparavant pourrait aider à stabiliser le pays et à permettre à réunir le meilleur climat pour les législatives. Nous pensons que les Tunisiens ne peuvent pas attendre encore une année pour élire leurs futures institutions républicaines. C'est pour cette raison que nous proposons un parcours électoral en deux temps pour passer le plus vite possible à des institutions légitimes permanentes à travers l'élection d'abord du président de la République et prendre le temps nécessaire pour organiser, ensuite, les élections législatives. Cette approche permet, à la fois, de répondre aux besoins des Tunisiens d'aller le plus vite possible aux urnes (pour choisir leur président) d'une part, et pour réunir, d'autre part, les meilleures conditions aux élections législatives. Sahbi Attig, membre du bureau exécutif et président du groupe parlementaire d'Ennahdha Il n'est dans l'intérêt d'aucune partie de prolonger l'étape transitoire Je considère que la fixation de la date des élections futures est une décision politique que prend l'Assemblée nationale constituante en concertation avec toutes les parties politiques nationales. Quant à l'Instance supérieure indépendante des élections, je pense qu'une période de 5 à 6 mois lui est suffisante pour actualiser les listes électorales, inscrire ceux qui ne l'ont pas fait lors des élections du 23 octobre 2011 et installer les sections régionales, sachant que nous avons opté pour la continuité. Nous sommes d'avis que cet effort n'a pas besoin d'une année entière. Quant aux Tunisiens qui ne pourraient pas attendre une année de plus, nous considérons au sein d'Ennahdha que la période ne doit pas se prolonger dans la mesure où nous avons été élus en vue de l'élaboration de la Constitution et de l'organisation des prochaines élections. Il n'est dans l'intérêt d'aucune partie de prolonger encore l'étape transitoire. Le problème c'est que la Troïka était accusée de chercher à rester au pouvoir pour une longue durée et après avoir proposé une date proche pour les élections, les parties qui nous accusaient auparavant d'attachement illimité au pouvoir appellent aujourd'hui à retarder les élections. Hichem Hosni, constituant indépendant Les élections ne peuvent pas se tenir avant l'automne prochain J'ai fait remarquer, personnellement, à l'occasion de la conférence du dialogue national organisée par l'Ugtt, qu'il n'est pas possible d'organiser les prochaines élections avant l'automne 2013 pour diverses raisons. D'abord, l'Instance supérieure indépendante des élections n'est pas encore mise en place. Ensuite, il est indispensable de discuter le texte de la Constitution et de l'adopter en deux lectures, au plus tard en mars 2013. Enfin, la création de la Cour constitutionnelle ne peut être effective avant la mise sur pied du Conseil supérieur de la magistrature dans la mesure où il n'est plus question d'une instance provisoire pour la magistrature. Avec la création de toutes ces institutions, c'est à l'Isie que revient le droit de fixer la date des élections. Quant à la date du 23 juin 2012 proposée par la Troïka, elle ne constitue, à mon avis, qu'un simple acte de surenchère politique. Il est impossible de faire adopter par l'ANC, en un mois, les lois portant création des institutions que je viens d'énumérer, afin que la date proposée par la Troïka puisse être respectée. Je comprends bien que les Tunisiens soient inquiets et demandent à aller aux urnes aussi vite que possible. Moi, personnellement, je voudrais bien que les élections se déroulent demain. Il se trouve, en contrepartie, que dans la pratique et conformément aux normes internationales en vigueur, les élections ne peuvent pas se tenir avant l'automne 2013.