Ali, 28 ans, habitant la cité Khaled Ibn El Walid : Je suis encore choqué Nous n'avons plus confiance en certains médias car les versions ont toutes été faussées par rapport à ce qui s'est passé en réalité. Je suis encore choqué par ce que j'ai vu. Nos deux voisins, dont le muezzin de la mosquée Ennour, le regretté Aymen Amdouni qui n'avait que 27 ou 28 ans, n'ont rien fait pour qu'on leur tire dessus par balle au niveau de la tête. En vérité, suite à l'arrestation de deux jeunes qui habitent dans les alentours de notre cité, le défunt ainsi qu'un autre jeune de la cité, Khaled Karoui, se sont dirigés vers le poste de la Garde nationale pour se renseigner sur les motifs de leur arrestation. Ils n'étaient pas armés, contrairement à ce qui a été rapporté par la Garde nationale. D'ailleurs, je me demande comment les événements ont pu prendre une telle tournure, dans la mesure où les gendarmes connaissaient bien les habitants de la cité. Le regretté Aymen était connu de tous pour sa bonté, sa patience et sa sagesse. Ce que je sais, c'est que trois autres personnes les ont suivis au poste de la Garde nationale où ils les ont trouvés blessés. Ils ont pu sauver Khaled et l'ont transporté à l'hôpital. Le regretté Aymen, on lui a tiré une balle au visage, plus exactement à l'œil, alors que Khaled a été touché à la nuque. Il subit actuellement une opération, la deuxième, à la colonne vertébrale. Par la suite, poursuit Ali, «les policiers et les gendarmes se sont déployés dans la cité en lançant des bombes lacrymogènes même dans les maisons et en tirant dans tous les sens touchant entre autres des vieillards. Il y avait des gens qui étaient touchés au visage. Les gendarmes parlent de cocktails Molotov qui auraient été lancés par des habitants, ce n'est pas vrai. Comment peut-on se défendre avec des cocktails Molotov face à des bombes lacrymogènes et des balles réelles ? C'est inadmissible ! Il faut rester raisonnable et ne pas duper l'opinion publique par des histoires qui me semblent surréalistes...» Mohamed, 28 ans, agent d'une unité active de la Garde nationale : Une situation grave et intolérable Je travaille depuis quatre ans au sein d'une unité active de la Garde nationale et notre zone d'action est cette région qui est l'un des points chauds de la ville. Je vis ici et je connais pratiquement tout le monde. Il y a des groupes de salafistes qui sillonnent certains quartiers, à l'instar de Douar Hicher, Cité Kahled Ibn El Walid et Cité Echabab et qui ont pris la mosquée Ennour comme siège où ils préparent leurs opérations et rassemblent même tous genres d'armes blanches, épées et autres... Chaque samedi, ces groupes font leurs patrouilles aux alentours de Douar Hicher, portant des pantalons vert militaire, des espadrilles et une ou deux épées à la main. Ils sont en train de semer la terreur dans des cités comme Jebablia ou Habbessi. Ils commettent tous genres de délits, notamment les braquages. Désormais, ils attirent les bandits pour renforcer davantage leurs rangs, ce qui cause de temps à autre des clashes entre certains de ces groupes. Dans nos interventions, et en l'absence d'instructions claires pour intervenir, nous essayons d'atténuer la tension dans les cités les plus chaudes mais parfois nous nous trouvons pris dans un piège entre ces groupes qui dès que nous intervenons nous attaquent comme si nous étions leur ennemi commun. Certains parmi ces groupes salafistes sont payés 45 ou 50 dinars la journée. Un ami les a rejoints pensant que ce sont des islamistes qui appellent à l'application de la charia. Après une certaine période, ils l'ont forcé à consommer de la drogue pour qu'il ait du courage à aller agresser «leurs ennemis»... Il a fini par les abandonner de peur de s'impliquer dans un crime. C'est une situation grave et intolérable. C'était le cas dans l'incident de mardi lors duquel le poste de la Garde nationale a été pris pour cible par les agresseurs salafistes qui voulaient libérer à tout prix un des leurs.