La compagnie nationale Tunisair est aujourd'hui, comme jamais auparavant, appelée à faire face à un ensemble de contraintes autant financières que structurelles. La compagnie n'a cessé, depuis quelques années, d'accuser les coups durs: cession d'une grande part de son marché au profit de Karthago Airlines, acquisition à ses propres frais de deux avions présidentiels ( 300 millions de dinars)... Après le 14 janvier, elle continue encore à faire face à plusieurs difficultés. Les récentes décisions prises par le gouvernement quant à l'octroi de la cinquième liberté à la compagnie Qatar Airways et d'autorisations pour des compagnies européennes et une tunisienne d'assurer des vols plus fréquents sur Paris laissent le personnel de la compagnie perplexe et inquiet quant à l'avenir de la compagnie et aux intentions, du moins peu avenantes, du gouvernement. Tous ces problèmes ont été spécifiés dans une lettre adressée au chef du gouvernement par les différents syndicats de base de la compagnie en date du 29 octobre 2012. D'ailleurs les nombreuses lettres adressées à l'autorité de tutelle et notamment au ministère du Transport attirant l'attention des décideurs sur l'état critique de la compagnie et invoquant une reconsidération des différentes décisions jugées «arbitraires et irréfléchies» sont restées sans réponses. « Face à l'état actuel des faits, nous avons une nette impression que toutes ces décisions cachent des intentions sournoises dont l'objectif final est la cession de la compagnie nationale», relève Karim Elloumi, membre du syndicat de base PNT de Tunisair. Dans un communiqué rendu public le 29 octobre dernier, les différents syndicats de base dénoncent, fermement, les décisions prises par le ministère concernant l'octroi de la cinquième liberté à la compagnie qatarie et l'ouverture de l'espace aérien (Voir notre compte rendu initial «un grand chantier à ciel ouvert» paru dans notre édition d'hier. Ndlr). Des décisions qui porteraient, selon eux, l'annonce d'un naufrage certain de la compagnie. Les syndicats invitent l'autorité de tutelle, dans ce communiqué, à revoir toutes ces décisions dont le préjudice n'est plus à prouver, en concertation avec les parties prenantes et en évaluant à sa juste valeur leur impact sur l'activité de Tunisair. Les signataires affirment, enfin, leur détermination à défendre l'intérêt de la compagnie nationale et de n'épargner aucun moyen légitime pour la sauver. K.Elloumi rappelle, dans ce cadre, que la cinquième liberté est celle qui donne à un transporteur aérien membre de l'Oaci la liberté d'assurer le transport de passagers entre deux autres pays membres de l'Oaci. Pour le cas présent, la compagnie qatarie aura la liberté d'assurer des vols au départ de Tunis-Carthage vers différentes destinations, un droit qui comporte une menace sérieuse pour la compagnie nationale. Aujourd'hui, le syndicat des pilotes ainsi que tout le personnel de la compagnie se sent ignoré par le gouvernement et se pose plusieurs questions quant aux vraies intentions de telles décisions. On s'interroge aussi sur les raisons pour lesquelles ce n'est que la compagnie qatarie qui décroche cette liberté alors qu'au moment de la signature du memorandum en 2003, plusieurs compagnies ont manifesté leur intérêt de bénéficier de cette liberté. Intentionnelles ou résultantes d'une incompétence notoire, ces décisions vont peser très lourd sur notre compagnie, ajoute K.Elloumi. Il rappelle que Tunisair a, de tout temps, été un fleuron de l'économie tunisienne et que, depuis sa création, elle n'a eu que quatre exercices déficitaires. L'année 2011 a été une année particulièrement difficile qui fut couronnée par un déficit budgétaire généré, principalement, par la baisse d'activité et la réintégration des filiales. Toutefois, la situation n'est guère irréversible et la compagnie peut encore être sauvée, affirme Chokri Kammoun, secrétaire général du syndicat PNT à Tunisair. Il suffirait, pour ce faire, de mettre les bonnes personnes aux bons postes, d'établir un plan de restructuration et de vendre, rapidement, les deux avions présidentiels qui sont encore à la charge de Tunisair. D'ailleurs, ajoute K.Elloumi, l'engouement des compagnies étrangères pour l'obtention de la cinquième liberté à partir de la Tunisie témoigne du potentiel important du site tunisien, un site qui jouit d'une situation stratégique exceptionnelle et qui pourrait devenir, de ce fait, le point idéal pour relier aussi bien l'Afrique, l'Asie que le continent américain.