Voici une nouvelle expérience acoustique et visuelle qui a eu lieu vendredi soir à l'Acropolium de Carthage dans le cadre de «fest» (le festival Echos sonores de Tunisie). Et ce qu'on avait pris pour une simple curiosité — le public tunisien n'étant pas habitué à ce genre de spectacle — nous a transportés dans un univers de création captivant. Et il aurait suffi de peu de moyens pour transporter le public: une guitare et des gouttes d'eau sur du verre. Les deux artistes libanais animateurs de ce spectacle sont Sharif Sahnaoui (guitare acoustique) et Mazen Kerbaj (encre de Chine, solvants et objets divers du quotidien). Le concept de «Wormholes» — c'est le nom du spectacle— part d'un principe simple : une sorte d'acompagnement entre l'art du dessin (Kerbaj étant dessinateur et bédéiste) et la musique. Ce que le dessinateur effectue sur du verre est visible sur un grand écran. Devant l'écran, le guitariste improvise par son instrument posé sur ses genoux et c'est grâce aux jeux des baguettes que ce son très original est exprimé par les cordes. Une technique très personnelle de percussion sur guitare. L'art de Sharif Sahnaoui consiste à faire de cette improvisation une sorte de «mathématique bleue», pour reprendre l'expression de Léo Ferré, qui sort la guitare de son quotidien acoustique habituel pour la plonger dans la marée azurée du non-tracé. Mazen Kerbaj, lui, développe un système qui lui permet de dessiner en live sur une table de verre. Ainsi le dessin — comme la musique — n'a plus rien de permanent. «Wormholes» est donc une expérience qui crée une sorte de couloir entre les deux disciplines. C'est aussi le fruit d'une collaboration de 12 ans entre les deux artistes. «On voulait monter un spectacle où la musique et le dessin ne font qu'un, sans tomber dans le cliché de celui qui dessine ou de celui qui joue d'un instrument, car le problème c'est que le dessin est permanent mais la musique s'envole si on ne l'enregistre pas. C'est pour cela que Mazen a imaginé le dessin sur vitre qui disparaît avec les notes ...», dit Sharif Sahnaoui. La réusssite de cette expérience vient du fait qu'elle réveille un autre aspect peu habituel dans la conscience du spectateur identique à celui provoqué par la magie du cinéma. Mais ici rien n'est joué, tout est improvisé.