Centre-Ouest et Sud-Ouest : régions les plus pauvres de la Tunisie Accroissement du sentiment d'aliénation dans les régions défavorisées Connaître le réel degré de la pauvreté en Tunisie et en définir les véritables caractéristiques et répartitions entre les régions et entre les couches sociales est une des plus grandes attentes des Tunisiens, dont un bon nombre ont été surpris, lors de la révolution, par l'ampleur de la précarité dans les régions intérieures et de la marginalisation économique et sociale. A la fin de l'année écoulée (2011), l'INS a procédé à la révision complète de la méthodologie de mesure de la pauvreté et sa mise à jour, à partir des données d'une enquête sur le budget, la consommation et le niveau de vie des Tunisiens réalisée en 2010. L'INS a été assisté dans ce travail par des experts de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement. Un comité d'experts universitaires tunisiens, des membres du gouvernement et des représentants d'organisations non gouvernementales ont été, également, consultés. Résultats. Première conclusion tirée par les experts des deux institutions financières internationales après vérification : «L'ancienne méthodologie de calcul de la pauvreté est solidement fondée et les mesures antérieures de la pauvreté correctement estimées ». Il a été suggéré à l'INS d'introduire, tout de même, « des ajustements afin de rendre la méthodologie de calcul plus conforme aux meilleures pratiques internationales ». Et à ce titre, la pauvreté en Tunisie a été recalculée avec les données de la nouvelle enquête de 2010. Il en ressort un taux de pauvreté, à l'échelle nationale, de 15,5% en 2010, contre 32,4% en 2000 et 23,3% en 2005, et un taux de pauvreté extrême de 4,6% en 2010, contre 12% en 2000 et 7,6% en 2005. Moins de pauvreté et plus d'inégalités L'INS démontre ainsi une importante baisse de la pauvreté au cours de la décennie écoulée, qu'il explique par la forte croissance de la consommation entre 2000 et 2010. Cette consommation a augmenté régulièrement, à l'échelle nationale, passant du simple au double, à prix courants, à l'échelle nationale : 2.360 en 2010 contre 1.252 en 2000. En revanche, l'analyse régionale des résultats de l'enquête met en exergue d'importantes disparités entre les régions et entre le milieu communal et celui rural. C'est tout l'intérêt de cette enquête dont les résultats sont stratifiés présentant des moyennes nationales et des indicateurs spécifiques aux grandes villes, par région et selon le milieu (communal, rural). Ainsi, au niveau de la consommation par tête d'habitant, le milieu communal affiche 3095 en 2010 et les grandes villes 3.696, contre 1.644 dans le milieu non communal. Au cours de la décennie 2000 - 2010, les taux de croissance de la consommation les plus élevés ont été enregistrés dans le Sud-Est et le Sud-Ouest. Au chapitre des dépenses annuelles par tête d'habitant, les régions du Centre-Ouest enregistrent les niveaux de vie les plus faibles : 1.623 en 2010, contre 3.498 pour le Grand-Tunis et 3.081 pour le Centre-Est. L'enquête démontre ainsi que malgré l'importante réduction de la pauvreté à l'échelle nationale, les zones rurales ont des taux de pauvreté presque deux fois plus élevés que ceux des zones communales, que les régions du Centre-Ouest et du Nord-Ouest sont les plus pauvres, suivies de celles du Sud. Autrement dit, les disparités entre les régions ont toujours existé et elles persistent même quand la pauvreté diminue partout à l'échelle du pays. Ressentiment chez les plus démunis L'INS considère que la réduction de la pauvreté résulte presque exclusivement de la croissance économique et non d'une répartition équitable des richesses nationales ou plus important au profit des régions les moins favorisées. Ces inégalités entre les milieux et entre les régions ont fait naître des sentiments d'aliénation chez les populations vivant dans les gouvernorats défavorisés, sentiments inexistants chez les plus nantis, note l'INS. Ces populations affichent, également, un fort sentiment d'identification quand elles résident dans la même région et partagent le même niveau de vie. Selon les résultats de l'enquête, ces sentiments se sont même accentués au cours de la décennie 2000-2010, l'indice de Gini enregistrant une augmentation de l'indice de polarisation passant de 77,7 en 2000 à 93,6 en 2005 et à 103,2 en 2010. La polarisation des revenus étant, selon l'INS, le degré de répartition d'une population en plusieurs groupes distants ayant des styles de vie très différents. Cette situation, note encore l'INS, a engendré un sentiment d'association entre régions ou groupes de même niveau de vie ainsi qu'un fort ressentiment chez les pauvres. Les résultats de cette enquête reflètent la situation du pays en 2010. Ils viennent confirmer ce que la plupart des Tunisiens savaient déjà. Mais qu'en est-il aujourd'hui? On ose espérer une très prochaine enquête sur la consommation des ménages et le niveau de vie des Tunisiens après la révolution et surtout dans le contexte actuel de détérioration du pouvoir d'achat, de crise économique et d'augmentation du chômage.