Le présent article se propose d'étudier d'une manière succincte et objective deux discours qui s'affrontent aujourd'hui dans l'espace public tunisien. Nous allons prendre en considération d'une part la déclaration officielle de la commission administrative extraordinaire de l'Ugtt suite aux événements du 4 décembre dernier; d'autre part, la réponse du président du mouvement Ennahdha. Quels sont les points forts et les points faibles au niveau argumentatif de chacune des positions ? La position de l'Ugtt L'Ugtt demande trois choses si l'on se tient à sa déclaration officielle: 1) Que la justice soit saisie pour juger ceux qui ont attaqué le siège de la centrale syndicale. 2) Que les comités de protection de la révolution, alliés du mouvement Ennahdha, soient dissous. 3) Qu'un recours soit déposé auprès de la Confédération syndicale internationale. Notons que le destinataire des messages de l'Ugtt est le gouvernement tunisien. La réponse d'Ennahdha Le président du mouvement Ennahdha a répondu aux trois points. Voici sa réponse : 1) S'il y a eu des infractions, c'est à la justice de prendre en charge le dossier. 2) Les comités de la protection de la révolution font partie de la société civile. Ce sont des associations régies par la loi. S'il s'avère que ces associations ont commis une infraction, c'est à la justice de faire son travail. 3) L'Ugtt a le droit de recourir auprès de la Confédération syndicale internationale, mais elle ne peut pas se permettre de faire une grève générale qui paralysera tout le pays. Evaluation des deux argumentations Le point fort de l'argumentation de l'Ugtt réside dans la distinction qu'elle fait entre le gouvernement et le mouvement Ennahdha. Faisant cela, elle montre que ce parti veut s'accaparer les rouages de l'Etat et que le gouvernement doit agir. Elle lance donc un signal d'alarme tout en laissant la porte ouverte au gouvernement pour qu'il puisse prendre les mesures nécessaires, notamment celles relatives à la dissolution des comités de protection de la révolution. Cependant, cette argumentation a un point faible: l'Ugtt considère toujours que le gouvernement a la possibilité de s'affranchir d'Ennahdha. Mais est-ce réellement possible? Le point fort de la réponse du président du mouvement Ennahdha réside dans le fait qu'il renvoie à la justice la possibilité de dissoudre ces comités. Mais le point faible, que certains oublient, c'est que le gouvernement peut selon le décret-loi organisant les associations, dissoudre toute association dont les activités s'avèrent contraires aux dispositions dudit décret-loi et notamment ceux qui usent ou appellent à la violence. Donc, juridiquement parlant (vu que l'argumentation de M. Rached Ghannouchi est essentiellement d'ordre juridique), le gouvernement peut, s'il est de bonne foi, entamer la dissolution des comités de protection de la révolution, de sa propre initiative, sans attendre que l'Ugtt ou qui que ce soit porte plainte. Au final, les deux argumentations tournent autour de la problématique des comités de protection de la révolution. Et pour que les choses avancent, il faut que le débat soit centré uniquement autour de cette problématique. Sinon, le discours des uns et des autres sera stérile.