Il y a, malgré tout, un vent de révolte qui nourrit le vers de Trabelsi. Une révolte contre l'ordre international établi, contre l'hypocrisie des maîtres du monde ; ces nains qui se prennent pour des géants. Ecrire un recueil de poèmes et le publier dans cette conjoncture difficile relève un peu de l'aventure. C'est ce que vient, justement, de faire Béchir Trabelsi. Professeur de français dans un lycée de la banlieue sud, il n'a pas réussi à couper les ponts avec sa fibre poétique. Le voilà donc à récidiver avec un deuxième recueil intitulé: «Au creux de la vague». D'une centaine de pages, ce livre contient 44 poèmes qu'on ne sait s'ils sont classés dans un ordre chronologique ou thématique. Mais une chose est sûre : le cheminement est clair. Il est évident que l'auteur sait bien où il va. Nous aussi... Dans les 16 premiers poèmes, l'auteur s'intéresse d'abord à l'actualité politique. Il en consacre quelques-uns pour parler de la Tunisie après le 14 janvier. En ouverture, il adresse un triple «dégage» aux despotes et «à tous les clones de Pol Pot». Avec une virulence manifeste, il s'en prend, également, aux flagorneurs et aux courtisans de l'ancien régime. Il n'oublie pas, non plus, de distribuer les «honneurs» aux gens qui ont souffert et qui ont lutté pour permettre à la Tunisie de retrouver sa liberté et d'en jouir. Il n'épargne ni la droite, ni la gauche, ni tous les extrémismes de quelque bord que ce soit, leur décochant quelques flèches. La «honte» est pour ceux «qui ont célébré l'ancien régime», ceux qui «étaient les artistes et les écrivains de la cour» ou «devinrent ... plus pieux que la piété». Mais l'honneur, selon lui, est pour ceux qui «n'ont jamais changé d'idées ou de veste» et tous les bannis. Dans son poème «les messieurs et le peuple», le poète se livre à une diatribe en règle contre les hauts responsables. Il les met en garde contre la colère des simples gens. Il leur demande d'honorer leurs promesses et de ne pas sous-estimer le peuple. Dans le premier volet qui commence par un poème intitulé «La Tunisienne» et qui se termine par un autre intitulé «La Tunisie», on constate que Béchir Trabelsi ne ménage pas ses mots. Le lexique choisi est, parfois, cru, souvent cruel. La connotation est à fleur de peau. L'allégorie prend le dessus et on a, alors, des envolées lyriques qui nous transportent vers «les astres», «la lune», «la voie lactée», «le cosmos»... Mais, tout d'un coup, un autre poème nous ramène vers un réel assez sombre. Celui des «chauves-souris» ou les opportunistes quittant «leurs ténébreux terriers d'hibernation». Dans le second volet, nous pouvons déceler cette portée internationale, voire universelle. Il y a, malgré tout, un vent de révolte qui nourrit le vers de Trabelsi. Une révolte contre l'ordre international établi, contre l'hypocrisie des maîtres du monde ; ces nains qui se prennent pour des géants. La Palestine occupe, également, une place dans cette partie du recueil dans un poème intitulé «L'orpheline de l'histoire» ou encore un autre «Entre Abbas et Hamas». Comme on n'échappe pas aux sentiments de tendresse et d'amour, le poète clôt son florilège avec des poèmes sur la femme, l'amour, le souvenir, l'absence. En un mot, tout ce qui nous replonge dans la création littéraire pleine de sensibilité. Ainsi, reviennent les mots tendres comme le «zéphyr», «la lyre», «l'ange», «le désir», etc. Mais ce cortège ne va pas sans la face cachée qui colporte avec elle «la souffrance», «l'amertume», «les pleurs»... Ainsi vogue notre poète sur un océan sans fin nous rappelant par son dernier poème «Le temps» celui de Lamartine : «Le lac». Le temps n'est qu'un fugitif et nous le savons. Mais lui sait que nous sommes sa proie : «le temps qui voltige tel un aigle impérial, ... s'abat ... sur nous ses proies».