Les sit-inneurs le répètent, les 21 mille véhicules appelés communément «Tuk-Tuk» que le ministère des Transports compte injecter dans la circulation, ne sont que la goutte qui a fait déborder le vase entre le syndicat des taxi et le gouvernement. «Nous n'avons plus confiance en nos interlocuteurs au gouvernement», confie Afif Souidi, vice-président de la Chambre nationale des chauffeurs de taxis. Et pour cause, des procès-verbaux de réunions ont été signés entre le syndicat, le ministère des Transports et le ministère des Affaires sociales depuis le 4 décembre, mais il semble qu'aucune suite n'ait été donnée par le gouvernement. L'annonce de l'introduction des « Tuk-Tuk » a surpris la profession, qui considère cette décision comme une provocation, surtout qu'aucun avancement n'a été réalisé en ce qui concerne les revendications des chauffeurs de taxi. «Nous estimons le manque à gagner à 5% pour les taxis, eu égard à l'ensemble des problèmes auxquels nous faisons face», explique Afif Souidi. Les problèmes ? Ils étaient plus d'une centaine hier devant le siège du gouvernement de la Kasbah, à les écrire en gros caractères sur des pancartes en carton. Les trois dossiers brûlants Les chauffeurs de taxi, dénoncent le laxisme des autorités vis-à-vis des transporteurs clandestins qui pullulent un peu partout dans le Grand-Tunis et ailleurs, provoquant un évident manque à gagner. Pour Afif Souidi, «trois dossiers sont sur la table et sur lesquels le gouvernement fait la sourde oreille. Il s'agit de la police d'assurance, de la régularisation de la situation des taxis fonctionnant au Gaz et enfin la baisse des années de cotisation pour la retraite». Les chauffeurs de taxi estiment que la police d'assurance pour les taxis, doit être révisés à la baisse, puisque, disent-ils, proportionnellement, ils payent plus que les bus touristiques. Conscients de la situation irrégulière dans laquelle ils se trouvent, les propriétaires de véhicules fonctionnant au gaz, demandent néanmoins une régularisation et une législation leur permettant de rouler avec un gaz subventionné et sans risque. « Notre métier est pénible ! Nous demandons l'abaissement de l'âge de retraite à 55 ans pour les chauffeurs de taxi», lance dans un haut-parleur,Moëz Sallami, président de la chambre nationale des chauffeurs de taxi, Tuk-Tuk... qui est là ? «Il n'est pas question que les Tuk-Tuk pénètrent dans nos rues, c'est préjudiciable pour les taxis d'une part, et pour l'esthétique de la ville d'autre part», nous explique Afif Souidi, qui ne semble pas très inquiet par rapport à ce sujet. Bien que le ministre des Transports, Abdelkarim Harouni, ait assuré lui-même que les Tuk-Tuk seront consacrés exclusivement au transport de marchandises, les chauffeurs de la voiture jaune ne veulent toujours pas en entendre parler. Les sit-inneurs menacent de durcir le mouvement, avec, semble-t-il, une grève nocturne, si le gouvernement n'applique pas leurs demandes. Un métier qui ne fait plus rêver Loin de l'agitation, nous avons rencontré Zied, chauffeur de taxi depuis 7 ans, qui nous parle d'un métier qui ne fait plus rêver, un métier qui permet tout juste de vivre. «Avant, un propriétaire de taxi pouvait espérer construire une maison, progresser sur l'échelle sociale, il pouvait économiser assez pour acheter une nouvelle voiture au comptant, aujourd'hui ce n'est plus possible, nous passons notre vie à payer des dettes sans jamais pouvoir s'en sortir», nous dit-il. Voilà la dure réalité du métier de chauffeur de taxi mais également de tous les travailleurs de la classe moyenne. Pour Zied, les longues courses qui lui permettaient de rentabiliser sa journée, se font de plus en plus rares, raflées selon lui, par des intrus qui n'ont ni la compétence ni l'expérience des taxis. A cela s'ajoute un métier à haut risque, surtout la nuit, qui couvre de draps noirs, des violences quotidiennes plus ou moins dramatiques. «La nuit j'ai peur, je ne sais pas à qui j'ai affaire, mais surtout, je ne me sens pas en sécurité», nous confie Aymen, un autre chauffeur de taxi. «Tuk-Tuk», l'arbre qui cache une petite forêt, celle des problèmes vécus par les « taxistes », mais une petite forêt qui cache une forêt bien plus grande, celle d'un secteur de transport en crise, qui a, selon plusieurs observateurs, besoin d'une réelle refonte.