Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse (Ctlp) a rendu public son rapport sur les violations contre des médias tunisiens au cours du mois de décembre 2012. 24 cas de violation à l'encontre de journalistes et d'entreprises médiatiques ont été enregistrés par l'observatoire, contre 10 au mois de novembre. Agressions physiques et verbales, censure, poursuites judiciaires, voilà le type de violations que les journalistes et entreprises médiatiques ont eu à subir au mois de décembre. Si les agressions commises par les forces de l'ordre ont nettement diminué, les poursuites et enquêtes judiciaires se sont, elles, multipliées. On cite pour exemple le cas de Lotfi Laamari, rédacteur en chef de Réalités, qui a reçu le 18 décembre une convocation pour comparaitre le 9 janvier devant le tribunal de première instance de Tunis. L'huissier-notaire Mohamed Ali Bouaziz l'avait accusé de diffamation et d'outrage en vertu des articles 55 et 57 du décret 115, suite à un article publié dans le n°201 en date du 22 juin 2012. Autre affaire judiciaire, celle de la journaliste Monia Arfaoui, qui a été convoquée le 25 décembre par la brigade des enquêtes économiques et financières, pour être interrogée à propos d'un article. Le parquet aurait initié cette enquête à la suite de la publication d'un reportage dans l'édition du 26 mars dernier d'Assabah Alousbouii, intitulé «Le syndicat dévoile les mystères des prisons Abou Ghrib tunisiennes». Alhiwar Tounsi, première cible des agressions Concernant les agressions physiques, la chaîne «Alhiwar Tounsi» reste la première cible des agresseurs, selon le rapport du Ctlp, avec 5 cas enregistrés ayant touché 6 journalistes dont le directeur de la chaîne. Les agresseurs ont justifié leurs actes par leur refus de sa ligne éditoriale qu'ils considèrent comme «trop politisée, non objective et engagée contre le gouvernement et encourageant les protestations anti-gouvernementales». Des groupes, considérés comme proches du gouvernement ou appartenant aux courants salafistes, auraient participé à ces agressions dans 4 cas. Le mois de décembre aura été marqué aussi par le retour de la censure. Deux cas ont été constatés, dont un concernant le quotidien Al Chourouk, avec l'interdiction de publication d'un article sur les colonnes du journal, sans que l'administration ne donne plus d'explications. L'équipe du Ctlp relate également la démission du directeur de la radio culturelle Jamel Zran, qu'elle considère comme un cas d'ingérence du directeur général de la radio nationale dans le travail des journalistes. Zran avait en effet accusé le nouveau DG de vouloir intervenir sur la ligne éditoriale de la station et d'imposer une sorte de censure sur certains programmes. Un cas de menaces de mort a été enregistré en décembre, celui de Ali Garboussi, reporter photographe. Ce dernier ne cesse de recevoir des menaces depuis qu'il a fait des révélations sur les groupes armés en Syrie, à la chaîne nationale dans le journal télévisé du 19 décembre. Recommandations du Ctlp Face à la multiplication des violations à l'encontre des journalistes et des entreprises médiatiques, le Centre de Tunis pour la liberté de la presse recommande de faire valoir tous les mécanismes garantissant l'immunité du journaliste lors de l'accomplissement de son devoir et pénalisant toutes les violations dont il peut faire l'objet. Le centre recommande également la révision des chefs d'inculpation relatifs à la diffamation, à l'outrage à autrui et à la publication de fausses nouvelles aussi bien dans le décret 115 que dans le code pénal. Les formulations « vagues et floues» contenues dans ces textes pourraient conduire, selon le Ctlp, à une «limitation des libertés et mener à la traduction en justice de journalistes pour un rien». En outre, le Ctlp appelle les institutions médiatiques à faire preuve de plus de soutien envers leurs journalistes victimes d'agressions. *L'intégralité du rapport est accessible sur le site suivant : ctlj.org/