L'année 2012 a été drôlement clôturée pour le 4ème pouvoir en Tunisie. Le mois de décembre aurait connu, selon le rapport du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse et l'unité de l'Observatoire de la Documentation des violations, un rythme effréné et récurent des attaques faites à l'encontre des organes de presse et des journalistes au mois de décembre. Si le chiffre des attaques policières a sensiblement chuté par rapport aux derniers mois, le rapport étaye l'augmentation des poursuites judiciaires dont le nombre s'est élevé à 8 (dont 7 journalistes ont été appelé devant la Justice et un autre devant le juge d'instruction). Le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse parle, notamment, de la fragilité de la liberté d'expression avec le retour périlleux de la censure et de l'autocensure dans les secteurs public et privé. Pis encore, certains journalistes victimes de censure n'oseraient pas en parler publiquement par crainte de leurs chefs hiérarchiques ou par manque de confiance en les ONG qui militent pour la liberté de la presse. Le rapport cite l'exemple du journaliste Chokri Bassoumi dont l'un des articles a été interdit de publication par le journal arabophone «Chourouk». Attaques contre les médias pour cadenasser l'information Le rapport publié par le Centre Tunis pour la Liberté de la Presse évoque plusieurs cas de violations et d'attaques contre plusieurs corps de médias et journalistes suite à la divulgation de divers dossiers qui n'auraient pas plu à certains. Entre procès, attaques physiques ou morales, interdiction d'exercer ou de couvrir des événements, piratage de certains sites de journaux électroniques, les médias tunisiens ont été bien servis durant la fin de l'année 2012. Le 3 décembre 2012, les locaux de la radio associative de Gafsa «Sawt el manajem» (La voix des mines), ont été envahis par le directeur de l'Agence de Promotion de l'Industrie et de l'Innovation de ladite région suite à un rapport diffusé sur les manquements de ce dernier durant le forum des agences de Promotion de l'Industrie. Une palette haute en couleurs de poursuites judiciaires Le 13 décembre 2012, le journaliste du journal arabophone «Achaab» (Le Peuple), Ghassan el Ksibi a été convoqué par la Cour d'appel. Accusations : ternir l'image d'autrui via les réseaux sociaux et insultes publiques. Un procès a été ouvert suite à la plainte déposée par le Conseiller juridique du ministère de l'Education après la parution d'un article de notre confrère Ghassan El Ksibi dans lequel il étaie des dossiers de corruption portant sur ledit ministère. Malgré un non-lieu, le Conseiller juridique du ministère de l'Education réitère ses accusations. Le même jour, le 13 décembre, le journaliste de la chaîne télévisée privée Hannibal, Lotfi Laâmari reçoit une convocation pour se présenter le 8 janvier devant le tribunal de Première Instance suite à la plainte portée par un certain Mohamed Ali Bouaziz pour diffamation et insultes portant sur des informations qu'il a divulgué le 17 juin dernier et tournant autour de l'affaire du Palais Abdellia. Lotfi Laâmari n'est pas au bout de ses surprises. Trois jours plus tard, c'est-à-dire, le 18 décembre, il reçoit une seconde convocation pour se présenter devant le tribunal de Première instance de Tunis le 9 janvier 2013. Quelques jours avant l'arrivée de la nouvelle année, le 25 décembre 2012, notre consoeur Monia Arfaoui du journal «Assabah El Osboui» de Dar Assabah, a été convoquée par la Direction auxiliaire des Recherches économiques et financières suite à la parution d'un article qu'elle a rédigé un certain 26 mars 2012 sous-titré «Le syndicat lève le voile sur les prisons d'Abou Gharib à la tunisienne». Un autre dossier divulgué n'aurait pas plu aux gens concernées. Celui de notre confrère Yassine Nebli du journal arabophone «Sawt Echaâb» (La Voix du Peuple). Ce dernier a été convoqué le 27 décembre devant le tribunal de Première Instance de Tunis suite à une plainte déposée par la présidente générale de l'une des sociétés agricoles. Et la liste n'est pas exhaustive. Les journalistes sur la ligne de mire Menaces de mort, de limogeage, d'emprisonnement ou autres, les femmes et hommes de médias tunisiens ne sont pas au bout de leurs surprises. Rajoutons à cette kyrielle de violations, la censure, le piratage et l'interdiction d'exercer, et la boucle est bouclée. Nous citerons à titre d'exemple, la prise d'assaut des locaux de l'hebdomadaire arabophone «Akhbar el Jomhouria» le 20 décembre 2012 et le vol des archives informatisées et en papier. Par ailleurs, le directeur de la chaîne télévisée privée «Al Hiwar Ettounsi» (Le Dialogue Tunisien) a été agressé par un de ses confrères suite à sa participation à une émission à la télévision nationale qui parle de la corruption dans la télévision tunisienne. L'agression a eu lieu aux locaux-même de la télévision nationale. De son côté, notre confrère et directeur de la radio culturelle, Jamel Zren, a démissionné le 21 décembre. Les raisons de sa démission selon lui, reviennent au fait que le directeur général de la radio nationale interviendrait dans la ligne éditoriale et imposerait ses décisions à lui dans certaines émissions. L'intimidation des journalistes irait même jusqu'à la menace de mort. C'est ce qui est arrivé au journaliste-photographe, Ali Karboussi, le 19 décembre. Ces menaces sont arrivées suite à un dossier d'investigation sur les hommes armés syriens et qu'il avait fait allusion lors du journal de la télévision nationale. Aujourd'hui, il risque sa vie.