Officieusement, le remaniement ministériel tant attendu devrait intervenir dans les prochaines heures. M. Hamadi Jebali, chef du gouvernement, l'a promis en début de semaine. En vérité, il s'agit du énième report en la matière, depuis six mois. A telle enseigne que le commun des mortels n'y croit plus, si tant est qu'il y ait jamais cru sérieusement. Pour l'heure, seules des bribes de «fuites» tiennent les devants de la scène, de temps en temps. Tel nom proposé pour tel portefeuille, telle formation s'est vu proposer tant et tant de postes... Des semi-révélations qui nourrissent conjectures supputations. Dans un pays qui s'y apprête à loisir. Un début de nouveau phénomène focalise cependant l'attention des observateurs. Il s'agit des défections de certains dirigeants de formations politiques de l'opposition. Le parti Ennahdha, chef de file de la Troïka gouvernante, leur propose des dignités ministérielles qu'ils acceptent aux dépens de leur parti. Tel est le cas de MM. Fethi Touzri et Mohamed Goumani. Le premier a présenté sa démission au Parti républicain suite à son intention de rejoindre le gouvernement. Le second affirme qu'il n'assumera plus la charge de porte-parole de l'Alliance démocratique. Cette dernière affirme à son tour que Goumani n'est plus des siens dès lors qu'il a accepté de devenir ministre de l'Education. En d'autres termes, le mouvement Ennahdha veut parer aux sérieux revers et retournements qu'il subit au sein même de la Troïka. Jusqu'ici, aux dernières nouvelles, le CPR et Ettakatol rechignent à continuer comme avant au sein de la coalition tripartite. La barque prend l'eau de toutes parts. Ils voudraient bien se repositionner, et pourquoi pas se retaper une certaine virginité inespérée, en vue des prochaines joutes électorales. Pour le mouvement Ennahdha, c'est le drame. Il ne saurait consentir à gouverner seul. Nul ne saurait plus le faire en Tunisie. Notre destin est d'être gouvernés sur la base du consensus. Autrement, tout pouvoir solipsiste verrait concentrées contre lui toutes les oppositions, les plus disparates au besoin. D'ailleurs, la chute progressive du prestige d'Ennahdha dans l'opinion est corollaire de l'affaiblissement inouï de ses alliés dans la Troïka. Ceux-là mêmes que le mouvement Ennahdha a fragilisés, en accaparant les postes-clés. Ennahdha s'avise donc de rechercher des alliés ailleurs. Et ce n'est guère facile ni évident. Même ses plus inconditionnels séides sont passés aux calculs des pertes et profits avant de daigner accepter de rentrer au gouvernement. Et pour cause : Ils exigent beaucoup, en guise de compensation des sacrifices consentis. Et ils savent pertinemment qu'ils risquent gros à quelques mois des élections. Sachant que les électeurs peuvent bien être nourris par l'esprit du vote-sanction. Alors, en désespoir de cause, Ennahdha tente de glaner les ralliements coûte que coûte. Quitte à brandir le miroir aux alouettes. Et à appâter. Et à diviser les rangs adverses. Les propositions et ouvertures faites à l'endroit de Fethi Touzri et Mohamed Goumani pourraient être de cet ordre. Finalement, ce qui commence dans l'équivoque peut bien finir dans la compromission. Les réactions des états-majors du Parti républicain et de l'Alliance démocratique en disent long là-dessus. Et voilà que l'on découvre les revers de la politique politicienne. Le remaniement a trop fait de surplace. On en arrive à le rechercher coûte que coûte, désespérément. Cela en dit long aussi sur les risques encourus à court et moyen termes. On peut très bien se retrouver dans des enjeux étroits, étriqués, prosaïques, où l'attrait du pouvoir et des dignités importe plus que la charge proprement dite. La faiblesse structurelle de la classe politique tunisienne explique cela. En partie. La mentalité de boutiquiers aussi.